Pourquoi lisons-nous ?
- Pour l'histoire ? pour nous occuper l'esprit (nous distraire comme écrirait Pascal, ce qui était pour lui un malheur). Ce qui suppose que l'histoire retienne notre attention, nous captive, nous emprisonne (car captivus = prisonnier), nous accroche ; mais pourquoi nous accroche-t-elle ? Le plus souvent parce qu'elle est bien racontée; autrement dit : que l'auteur y a mis la manière, ce qu'ils appellent le style. Parfois aussi parce qu'elle nous concerne, mais sans la manière...
- pour s'instruire, se former, ou simplement glaner des renseignements.
Stylet donc
(En passant, tapez "stylet" et cliquez sur "image", vous serez édifié : rien que des trucs pour tablette électronique; à croire que le monde n'existe que depuis aujourd'hui.)
Le style, la forme, la manière, ce que Todorov appelle "élément externe".
Le style peut être aristocratique, vulgaire (du latin vulgum le peuple, le vulgaire, la populace), intime, grandiloquent, ironique, didactique, condescendant... Il y a même des figures de style très complexes et recherchées (l'anacoluthe, le chiasme,l'allitération, l'onomatopée...) pour ceux qui aiment.
La manière c'est aussi la façon dont une histoire est racontée :
- le déroulement : [début - milieu - fin] par exemple.
- le point de vue : décrire de loin une histoire qui nous est extérieure (en utilisant "il", "elle"...), raconter sa propre histoire, raconter une histoire imaginée en employant "je"...
- le moment : présent, passé, futur, ailleurs.
"La quête du Graal" : exemple d'analyse actuelle.
- analyse sémantique : "quel est le contexte dans lequel est produit le mot table ?"
- analyse lexicale : "quels sont les lexèmes les plus fréquents dans cette production textuelle ?"
- analyse grammaticale : "quels sont les éléments constitutifs de la langue utilisée dans ce texte ?"
- analyse structurale : "quelles structures repère-t-on dans ce texte ?"
- analyse sémiologique : "quels sont signifiant et signifié dans ce texte ?"
- analyse sémiotique : "repérer icône, indice et symbole dans ce texte."
- analyse narratologique : "quels sont les personnages, le narrateur et l'auteur de ce texte ?"
Grosse fatigue ! Je suis content de ne plus aller à la petite école.
Et le roi Arthur alors ? Comment est-il devenu roi ? Et Lancelot ? Et le Graal alors ? Et le chevalier vert ? Pourquoi la table d'Arthur est-elle ronde ?
Vous n'y êtes pas du tout ; plus personne ne fait ça, voyons ! C'est complètement dépassé car ce n'est pas scientifique (c'est pas moi qui le dis, c'est Todorov).
Il lui était évident depuis l'enfance que sa vie se passerait dans les livres, et donc ses études aussi. Mais comme il était dangereux de commenter une oeuvre en parlant de son sens (car la police politque veillait, il a fait ce que faisaient tous les intellectuels du monde soviétique qui n'aimaient pas le goût de la graisse de bottes : il s'est limité aux aspects formels des oeuvres étudiées. Ce qui nous a valu ses traductions des formalistes russes dont le plus connu est sans doute Roman Jacobson. Mais s'il parlait de forme, c'était à défaut de mieux.
C'est très bien pour les universitaires pointus (et coincés) ; il leur est toujours possible de faire une lourde thèse sur le nombre de "et" ou de "je"dans un bouquin, de gloser doctement sur le sujet et - accessoirement (?) - de recaler les étudiants qui n'aimeraient pas la graisse de bottes.
Mais écrit-on pour faire admirer la qualité de son style ou pour raconter une histoire, si possible enrichissante ?
Merci Monsieur Todorov
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