L'expression "Tirer les marrons du feu" est toujours prise comme équivalent culturel de "tirer profit d'une situation trouble ou dangereuse"; à tort, comme le montre cette fable de Jean de La Fontaine d'où est tirée l'expression.
Le Singe et le Chat
Bertrand avec Raton, l'un Singe et l'autre Chat,
Commensaux d'un logis, avaient un commun Maître.
D'animaux malfaisants c'était un très bon plat ;
Ils n'y craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,
L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage.
Bertrand dérobait tout ; Raton de son côté
Etait moins attentif aux souris qu'au fromage.
Un jour au coin du feu nos deux maîtres fripons
Regardaient rôtir des marrons.
Les escroquer était une très bonne affaire :
Nos galands y voyaient double profit à faire,
Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.
Bertrand dit à Raton : Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maître.
Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,
Certes marrons verraient beau jeu.
Aussitôt fait que dit : Raton avec sa patte,
D'une manière délicate,
Ecarte un peu la cendre, et retire les doigts,
Puis les reporte à plusieurs fois ;
Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque.
Et cependant Bertrand les croque.
Une servante vient : adieu mes gens. Raton
N'était pas content, ce dit-on.
Aussi ne le sont pas la plupart de ces Princes
Qui, flattés d'un pareil emploi,
Vont s'échauder en des Provinces
Pour le profit de quelque Roi.
Tirer les marrons du feu, c'est être la dupe, l'instrument irréfléchi de celui qui va les manger; Raton se brûle les coussinets, Bertrand mange les marrons.
Qui est le malin, du roi ou des princes qui les servent ?
Moralité : "pour parler mal, écoutez le poste."
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