Je bois
par Boris Vian
(Boris because Boris Godounov because maman Yvonne était pianiste et harpiste)
Je bois
Systématiquement
Pour oublier les amis de ma femme
Je bois
Systématiquement
Pour oublier tous mes emmerdements
Je bois
N´importe quel jaja
Pourvu qu´il fasse ses douze degrés cinque
Je bois
La pire des vinasses
C´est dégueulasse, mais ça fait passer l´temps
La vie est-elle tell´ment marrante
La vie est-elle tell´ment vivante
Je pose ces deux questions
La vie vaut-elle d´être vécue
L´amour vaut-il qu´on soit cocu
Je pose ces deux questions
Auxquelles personne ne répond... et
Je bois
Systématiquement
Pour oublier le prochain jour du terme
Je bois
Systématiquement
Pour oublier que je n´ai plus vingt ans
Je bois
Dès que j´ai des loisirs
Pour être saoul, pour ne plus voir ma gueule
Je bois
Sans y prendre plaisir
Pour pas me dire qu´il faudrait en finir...
Ceci dit, Monsieur Vian n'était pas sage (et il avait bien raison) car malgré une malformation cardiaque (insuffisance aortique sur rhumatisme articulaire aigu), il a continué à jouer de la trompette si bien que, lors de la projection du film tiré de "J'irai cracher sur vos tombes", son coeur a jeté l'éponge et celle de Vian avec lui (voilà ce qui arrive quand on n'écoute pas les docteurs !).
Ceci dit, en 39 ans, il en a fait davantage que bien d'autres en un siècle : romans, traductions, inventions, conférences, rôles dans des films, chansons, peinture, diplôme d'ingénieur...
Sa maman Yvonne, non contente d'être musicienne, était un tyran maternel qui couvait ses enfants au delà du raisonnable, ce qui explique "L'arrache-coeur" et de 'L'herbe rouge".
Deuxième résultat de cette protection : il ignore tout de ce que vivent les autres.
Choc en 1939 et sentiment d'absurdité qu'il décrit ensuite en ces termes (repris de wikipédia) :
" Je ne me suis pas battu, je n'ai pas été déporté, je n'ai pas collaboré, je suis resté quatre ans durant un imbécile sous-alimenté parmi tant d'autres."Console-toi, Boris, ils étaient des millions comme toi, dont un certain Jean-Sol Partre qui n'en était pas trop fier et qui a mis toute sa vie à se rattraper, à contre-temps malheureusement comme beaucoup d'entre nous.
A l'école centrale il s'ennuie comme un rat mort; il exprime assez vertement le peu de crédit qu'il accorde aux cours « donnés par ces professeurs idiots qui vous bourrent le crâne de notions inutiles, compartimentées, stéréotypées (…) Vous savez maintenant ce que j'en pense de votre propagande. De vos livres. De vos classes puantes et de vos cancres masturbés25… »
C'est un peu (pas tout à fait quand même-) ce que j'en pense aussi.
Entre autres inventions, celle du jeu des bouts-rimés qui consiste à écrire un poème à partir d'une liste de mots imposés. On le retrouvera dans "Les papous dans la tête."
Le mot "tube" employé pour qualifier une chanson à succès serait de lui, en lieu et place de "saucisson" en usage jusque là et qui ne lui plaisait pas (et on le comprend).
Pour les fans, j'ajoute qu'il aimait beaucoup H.G. Wells, Ray Bradbury et A.E. Van Vogt; de quoi lui attirer bien des sympathies.
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