mardi 26 août 2014

On peut rêver


La Suisse, destin de la France

Et si nous renoncions à être un modèle pour devenir un exemple?

par Xavier Théry (dans Causeur)

La France fait partie avec les USA du club des nations impériales. Qui le sont, ou qui l’ont été mais qui regrettent de l’être moins.  Depuis la Révolution, la France s’estime un devoir d’éclairer le monde. Mais après le choc de 1940 la France a compris qu’elle ne pouvait plus jouer le rôle de « nation indispensable ». Elle s’est alors jetée à corps perdu dans la construction européenne. Espérant trouver dans l’Europe une prolongation à sa puissance perdue. Comme les Anglais ont trouvé dans le soutien à l’Amérique une échappatoire à leur déclin.


Où cette volonté impériale contrariée nous mène-t-elle ? À jouer les gendarmes les gendarmes impuissants d’un monde en déréliction. On ne sait plus si la France intervient pour défendre ses propres intérêts,  pour défendre les droits de l’homme, ou pour défendre l’intérêt des ses alliés. La politique ukrainienne de la France atteint ce paroxysme de schizophrénie : au nom des intérêts de l’Europe, la France soutient les intérêts des USA en Europe centrale (la barrière anti-missiles) et renonce à ménager ses intérêts propres auprès de la Russie.


Il est temps que la France prenne acte du fait qu’elle ne peut plus être une nation impériale. Ni par elle-même, ni par le truchement de l’Europe. Le destin de la France n’est-il pas de devenir une grande Suisse ? C’est-à-dire un pays qu’on envie  pour ce qu’il est plus qu’un pays qu’on admire pour ce qu’il veut être et ne peut plus être. Que serait et que ferait cette France qui renoncerait à être un modèle mais pourrait devenir un exemple ?


  • Une France exemplaire renoncerait à intervenir tous azimuts en dehors de son territoire, mais pourrait contribuer à fournir des forces à une véritable armée permanente des Nations Unies.
  • Une France exemplaire réduirait son armée de métier à 150000 hommes pour servir une dissuasion nucléaire minimale pour la sanctuarisation de son territoire national et rétablirait le service militaire obligatoire de six mois pour remobiliser la nation sur ses objectifs de défense.
  • Une France exemplaire serait indépendante : elle renoncerait à son adhésion à l’OTAN et  à l’Union Européenne  pour négocier des accords bilatéraux avec les pays qui conviennent à ses intérêts.
  • Une France exemplaire aurait la maîtrise de son budget et de sa monnaie. A l’instar de la Suisse, cette monnaie pourrait s’appeler le franc.
  • Une France exemplaire changerait ses institutions pour revitaliser le parlement et pour consulter fréquemment par référendum les citoyens sur les grandes questions politiques.
  • Dans une France exemplaire, les citoyens seraient tolérants et accueillants. C’est-à-dire qu’ils feraient de la laïcité le centre du consensus social.
  • Une France exemplaire contrôlerait très précisément son immigration pour n’accueillir que des candidats qui partagent son projet et l’ambition d’être exemplaires.
  • Dans une France exemplaire, les citoyens seraient polis. On leur apprendrait dès le plus jeune âge les règles élémentaires du bien vivre ensemble au même titre que l’art de s’exprimer convenablement en Français.
  • Une France exemplaire serait une France propre et belle : les pouvoirs publics y engageraient des grands travaux pour réhabiliter les zones abîmées par un urbanisme incohérent et pour reconstituer des espaces où l’on se sent bien.
  • Dans une France exemplaire, les paysans seraient rémunérés pour entretenir la nature et pas exploités pour la ravager par une agriculture intensive.
  • Une France exemplaire serait à la pointe du projet écologique : de grands projets seraient lancés pour rebâtir l’habitat sur de nouvelles normes et pour promouvoir des solutions durables.
  • Dans une France exemplaire, la collectivité financerait via internet et la télévision des programmes culturels de haut niveau pour donner à tous le goût de l’exigence.
  • Une France exemplaire ferait de ses citoyens les mieux éduqués du monde et exclurait l’illettrisme.
  • Une France exemplaire serait à la pointe de la modernité : les réseaux et les infrastructures y seraient à la fois discrets et sans cesse optimisés pour apporter à chacun des transports fluides et bien répartis et un accès à l’information rapide et universel.
  • Une France exemplaire soutiendrait, encouragerait et protégerait une économie industrielle de pointe. Dans les domaines d’avenir : le biotech (comme les Suisses), le Green-tech (comme les Suisses), les transports du futurs, les technologies avancées, l’aéronautique et l’espace, les contenus culturels. Un pays pour lequel « fabriqué en France » serait synonyme incontestable de qualité et de confiance.
  • Dans une France exemplaire le SMIC serait à 3000 € comme ont failli le voter les Suisses et non pas à 1200 €. De plus les SDF seraient convenablement pris en charge par la collectivité.
  • Dans une France exemplaire, le système fiscal serait revu de fond en comble pour que l’impôt soit équitable et convenablement collecté.
  • Enfin, une France exemplaire perdrait en arrogance ce qu’elle gagnerait en attractivité. Elle serait pour le monde entier le pays où il fait bon vivre, où le niveau de vie est élevé et justement réparti, le pays où les espaces bâtis et naturels sont entretenus pour leur beauté, l’endroit où les citoyens du monde entier rêveraient de venir converser avec les Français.
  • On en est loin, mais ce pourrait être un projet pour la France. Un projet dont aucune des composantes n’est inatteignable. Faire de la France une grande Suisse, un pays respecté pour son art de vivre, la bonne éducation de ses citoyens et l’exemplarité de ses institutions démocratiques.


On pourrait en souhaiter autant - mutatis mutandis - à la Belgique, en y ajoutant beaucoup d'eau bénite pour chasser les démons communautaires mais ça, avec le déclin du christianisme, c'est pas gagné.

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