« Il faut du courage pour demander à recevoir la confirmation »
ENTRETIEN Mgr Gérard
Defois, archevêque émérite de Lille, vient de publier une enquête
passionnante (1) à partir de 1 300 lettres de confirmands, adolescents
ou adultes, adressées à leur évêque.
Mgr Gérard Defois, archevêque émérite de Lille , à Paris le 25 février 2008. / Stéphane Ouzounoff/CIRIC
Mgr Gérard Defois : Je crois. Mais l’âge des personnes qui ont écrit ces lettres importe peu, dans la mesure où la confirmation est une démarche essentielle de passage de l’appartenance institutionnelle (où l’on reproduit la foi de ses parents) à une foi plus personnelle, et ce passage peut se faire à tout âge. Bien des jeunes de 15 ans, à propos de leur foi, ont un langage d’adulte et savent affirmer leur christianisme et leur lien à Dieu.
Comment ces confirmands s’adressent-ils à l’évêque ?
Mgr G. D. : C’est très variable. Cela va d’« Éminence » à « mon cher André », « Excellence » voir « cher père évêque »… Certains tutoient l’évêque. Ces lettres se terminent par « l’expression d’un profond respect », mais plus souvent par des « salutations très fraternelles ». Souvent aussi ils précisent : « merci d’avoir pris le temps de me lire ». Il faut tenir compte du fait que, venant souvent de milieux non chrétiens, bon nombre de confirmands ne maîtrisent pas les codes catholiques habituels.
Pour tous ces confirmands, il ne s’agit pas de solliciter une permission de recevoir le sacrement, ou d’une reconnaissance administrative de leurs dispositions religieuses, mais bien d’un échange en confiance. Certains, lors de la préparation à la confirmation, ont pu parler de ce qu’ils n’avaient encore jamais pu dire à propos de leur vie scolaire, familiale ou personnelle. Parfois aussi, ils posent des questions sur le sens de leur vie.
Ces lettres, écrivez-vous, témoignent d’abord d’un besoin de relecture de l’itinéraire spirituel : en quoi cela est-il important ?
Mgr G. D. : Écrire à un autre, en l’occurrence à l’évêque, est un moyen de faire mémoire de son parcours, de faire le récit de sa quête de Dieu, pour se dire croyant à soi-même et pour se retrouver en présence du Seigneur. Les personnes ont besoin de prendre conscience que la foi est un chemin.
Certains confirmands ont une vie spirituelle très forte, prient tous les jours, mais ne vont pas à la messe tous les dimanches. Or si l’on réduit l’appartenance catholique à la participation au culte dominical, on passe à côté de cette réalité religieuse actuelle.
Le choix d’être confirmés, écrivez-vous encore, signifie bien souvent une « rupture sociale » : pourquoi ?
Mgr G. D. : Dans une société sécularisée et un contexte familial et professionnel très peu chrétien, il faut du courage pour demander de recevoir la confirmation. Certains jeunes catholiques se sentent regardés comme « anormaux » par rapport à une mentalité adulte et professionnelle qui s’est fermée tant à la transcendance qu’à l’intériorité, et parfois à toute forme de solidarité. Ils sont remarqués dans leur milieu comme différents et tenus de rendre compte de leur identité, ce qui les rend parfois plus vulnérables à la critique de leurs camarades.
Ces jeunes générations n’ont pas la nostalgie ni la mémoire d’une foi majoritaire. Ils rêvent de servir l’évangélisation de leurs camarades ou de leurs proches pour les convaincre du bonheur d’être aimé de Dieu. Cette joie, cette force intérieure qu’ils découvrent du fait de leur relation au Christ, ils aimeraient que leur entourage les découvre aussi.
À la suite de votre travail sur ces lettres, quel conseil aimeriez-vous donner à l’Église en France ?
Mgr G. D. : J’ai voulu rendre compte du contenu de ces lettres, du vécu de ces adolescents et jeunes adultes, mais ne veux surtout pas me situer en maître ès pastorale ! Ce qui m’a habité en lisant ces lettres, c’est l’admiration ! Car la plupart témoignent d’une volonté de se rapprocher de Dieu, de découvrir une proximité spirituelle avec Jésus.
Je note aussi combien ces lettres font apparaître un important déplacement de l’appartenance au peuple de Dieu : c’est par l’intériorité et la disponibilité à l’Esprit Saint que ces confirmands attendent la force et l’identité d’une vie chrétienne. Ils se définissent moins par leur appartenance juridique à l’institution que par un sentiment commun de la présence de Dieu.
En ce sens, si je peux donner un conseil, ce serait d’intégrer davantage à la catéchèse ce besoin d’intériorité, de silence, d’écoute et d’accueillir l’expérience spirituelle des jeunes. Or beaucoup dans l’Église pensent encore qu’avec les jeunes, il faut faire du bruit pour les « accrocher »…
https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Il-faut-courage-demander-recevoir-confirmation-2018-07-02-1200951885?utm_source=Newsletter&utm_medium=e-mail&utm_content=20180702&utm_campaign=newsletter__crx_urbi&utm_term=1113429&PMID=6ffda68c8f19714ba7f1e0781bcf627d
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