samedi 2 juillet 2016

Qu'est-ce que guérir ? (LC 20160702)

Guérir ensemble




Ils sont nombreux. Soixante-douze, nous dit l’Évangile. Ce chiffre est symbolique. Il évoque plusieurs aspects de la tradition biblique. À partir de la liste des peuples mentionnée au début de la Genèse, le judaïsme ancien compte pour notre monde 72 peuples différents. Selon ce récit les peuples vivent leur diversité culturelle en bonne entente. L’histoire de la tour de Babel n’est racontée qu’à la suite. Plus tard, le même chiffre renvoie aussi à la première étape du peuple hébreu après le passage de la mer Rouge. La liberté acquise n’est pas à confondre avec l’indépendance. Il faut toujours une source pour se désaltérer. Il faut encore et toujours accueillir la parole du Seigneur pour sauvegarder le don reçu. L’Exode mentionne 72 palmiers au bord de 12 sources d’eau. La tradition rabbinique verra dans ces arbres élancés du désert une préfiguration des 72 Anciens qui entoureront Moïse. Tout au long du chemin ils seront confirmés dans leur appel à aller à la rencontre de leur Seigneur. Pour l’écouter. Et pour être renouvelés dans son Esprit.
Si l’Évangile reprend ce chiffre, ce n’est pas pour nous donner une information factuelle mais pour indiquer une dimension spirituelle. Jésus se situe délibérément dans une continuité. Il confie à ses disciples la mission qu’il a reçue lui-même, à l’image de Moïse partageant son ministère avec les Anciens. Il reprend le chemin de l’Alliance comme un don de liberté dont la source demeure cachée en Dieu. Mais le chiffre symbolise aussi un aspect universel : aucun peuple de notre monde n’est exclu de ce salut que Dieu nous offre ; et aucun peuple n’est de trop pour exprimer à sa façon la mission reçue par le Christ pour enrichir les autres.
Jésus prend l’initiative de cet envoi. Ils sont nombreux à accueillir la mission. C’est comme s’ils discernaient dans la parole du Christ un nouveau chemin à emprunter. Non, il ne suffit pas d’attendre que les autres se mettent en route pour recevoir un témoignage concernant l’essentiel. Il s’agit de se déplacer soi-même, de demander l’hospitalité, de susciter une écoute, d’oser une parole qui témoigne de la bonté de Dieu et de son attente, de son impatience de nous voir réunis dans sa paix.
Ils doivent se rendre dans les villages et les petites villes, ces lieux dont on n’attend rien, ni culture, ni pouvoir, ni gloire ; ces lieux que l’on oublie, où l’on s’ennuie et que les grands de ce monde ignorent, même les religieux. Un salut pour eux ? La question ne viendrait à l’esprit de personne.
C’est justement là que Jésus les envoie. Et il précise : « Guérissez les malades qui s’y trouvent. » Dans l’enceinte de ces bourgades perdues il ne suffit pas de s’adresser aux chefs locaux. Il s’agit de rejoindre aussi ceux qui souffrent, ceux dont la santé est abîmée et qui, économiquement parlant, ne sont pas rentables. Pourtant Jésus ne veut pas monter un service de visiteurs de malades. Il demande à ses disciples de guérir les personnes blessées dans leur intégrité corporelle. Comment est-ce possible ? Ils ne sont pas médecins. Et nous non plus.
Le texte oblige à nous questionner sur la manière de comprendre le concept de santé. Ce n’est pas seulement une réalité qui affecte le corps individuel, mais aussi le corps social, notamment dans sa dimension spirituelle. Les personnes aux ressources les plus faibles sont-elles intégrées dans le peuple de la louange ou sont-elles exclues, de facto, de la communauté qui cherche à se réunir sous le regard de Dieu ? « Le règne de Dieu est arrivé », dit l’Évangile. Dieu est proche, mais nous ? Sommes-nous solidaires pour porter ensemble les blessures de notre monde, la faim et les exodes, les indifférences et les violences – afin de guérir ensemble ?
Agnes von Kirchbach

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire