« Madame le
Proviseur » est décédée
Claire
Lesegretain, le 22/07/2016 à 0h00
Marguerite
Gentzbittel, l’ancienne proviseur médiatique du lycée parisien Fénelon, est
morte à l’âge de 81 ans le 10 juillet dernier à Belfort, ville natale
de cette catholique où elle s’était retirée en 2007.
Marguerite Gentzbittel / Delessard/Neco/Sipa
Ses robes
à fleurs, son bon sens éducatif et un parler franc avaient contribué à faire le
succès médiatique de Marguerite Gentzbittel. Après la parution de Madame le
Proviseur (1), en 1988, elle fut ainsi invitée par Bernard Pivot à
« Apostrophes » et par François-Henri de Virieu à « L’heure de
vérité » ; elle fut sollicitée pour de nombreuses émissions de radio et
conférences sur la jeunesse, et inspira même une série télévisée (2).
Mais
Marguerite Gentzbittel était bien plus que ce personnage médiatisé. Fille de
cheminot et de femme de ménage, boursière, elle était un pur produit de la
« méritocratie républicaine » et un symbole fort de la promotion des
femmes. Après avoir préparé l’École normale supérieure de Fontenay, décroché
l’agrégation et enseigné l’anglais, elle avait commencé par diriger un gros
établissement scolaire dans la banlieue de Nevers. Avant de se voir confier
Fénelon, rue de l’Odéon, à Paris.
Dans les
années 1980, ce lycée n’est pas encore aussi connu que ses prestigieux voisins
Henri-IV et Louis-le Grand, mais son proviseur en fait vite un établissement
remarqué, mettant en avant l’écoute et le respect des jeunes. Marguerite
Gentzbittel connaît les contraintes de la gestion, les réunions avec les
syndicats et les fédérations de parents, les inimitiés en conseils de classe,
les casse-tête de l’orientation, les gags et drames de la condition
enseignante…
C’est
l’époque de la « guerre scolaire » (1984) qui verra la victoire des
partisans de l’enseignement privé ; de la promesse de Jean-Pierre Chevènement
de mener « 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat », au
grand dam des défenseurs du diplôme qui redoutent une baisse du niveau ; des
manifestations contre « le projet de sélection à l’entrée de
l’université » du ministre Devaquet (1986). Puis viendront les
tensions entre « pédagogistes », réputés vouloir centrer l’école sur
l’élève, et tenants de l’instruction traditionnelle centrée sur les savoirs…
Parmi ses
collègues chefs d’établissement, elle fait des envieux. D’où lui viennent donc
ce charisme et cette popularité ? Comme elle l’a laissé deviner dans son
premier livre, et comme elle l’a confirmé une fois à la retraite dans La Foi
du charbonnier, Marguerite Gentzbittel a une foi profonde. C’est avec la
confiance et la bienveillance du Christ, son compagnon de chaque jour, qu’elle
essaie de regarder tous ceux qu’elle croise. « Mon rapport au Christ
n’a pas changé », témoignait-elle à La Croix en 2007. « Si
je ne sais toujours pas bien qui est Dieu, la résurrection, l’espérance et le
Christ, j’y suis accrochée… »
Après son
départ à la retraite, en 1995, Marguerite Gentzbittel a dirigé une association
de tutorat s’occupant de malades psychiatriques, toxicomanes et alcooliques.
Douze ans plus tard, elle était revenue à Belfort, sa ville natale,
s’installant dans l’ancien appartement de sa mère. Là, elle a activement
participé au bulletin et au catéchisme paroissiaux, à l’Action catholique
générale féminine (ACGF), tout en continuant de fréquenter l’abbaye
cistercienne de la Grâce-Dieu (Doubs) où, jeune, elle avait failli entrer.
Ses
obsèques ont eu lieu dans l’intimité familiale, suivies de son inhumation au
cimetière de Bellevue à Belfort.
Claire
Lesegretain
(1) Lire
aussi La cause des élèves, 1991, et La foi du charbonnier, 1995.
(2) Cette
série télévisée en 26 épisodes de 90 minutes a été diffusée d’octobre 1994
à février 2006 sur France 2, sous le titre Madame le Proviseur puis
sous celui de Madame la Proviseure.
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