vendredi 22 juillet 2016

"Madame la Proviseur" du lycée Fénelon



« Madame le Proviseur » est décédée
Claire Lesegretain, le 22/07/2016 à 0h00
Marguerite Gentzbittel, l’ancienne proviseur médiatique du lycée parisien Fénelon, est morte à l’âge de 81 ans le 10 juillet dernier à Belfort, ville natale de cette catholique où elle s’était retirée en 2007.

Marguerite Gentzbittel / Delessard/Neco/Sipa
Ses robes à fleurs, son bon sens éducatif et un parler franc avaient contribué à faire le succès médiatique de Marguerite Gentzbittel. Après la parution de Madame le Proviseur (1), en 1988, elle fut ainsi invitée par Bernard Pivot à « Apostrophes » et par François-Henri de Virieu à « L’heure de vérité » ; elle fut sollicitée pour de nombreuses émissions de radio et conférences sur la jeunesse, et inspira même une série télévisée (2).
Mais Marguerite Gentzbittel était bien plus que ce personnage médiatisé. Fille de cheminot et de femme de ménage, boursière, elle était un pur produit de la « méritocratie républicaine » et un symbole fort de la promotion des femmes. Après avoir préparé l’École normale supérieure de Fontenay, décroché l’agrégation et enseigné l’anglais, elle avait commencé par diriger un gros établissement scolaire dans la banlieue de Nevers. Avant de se voir confier Fénelon, rue de l’Odéon, à Paris.
Dans les années 1980, ce lycée n’est pas encore aussi connu que ses prestigieux voisins Henri-IV et Louis-le Grand, mais son proviseur en fait vite un établissement remarqué, mettant en avant l’écoute et le respect des jeunes. Marguerite Gentzbittel connaît les contraintes de la gestion, les réunions avec les syndicats et les fédérations de parents, les inimitiés en conseils de classe, les casse-tête de l’orientation, les gags et drames de la condition enseignante…
C’est l’époque de la « guerre scolaire » (1984) qui verra la victoire des partisans de l’enseignement privé ; de la promesse de Jean-Pierre Chevènement de mener « 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat », au grand dam des défenseurs du diplôme qui redoutent une baisse du niveau ; des manifestations contre « le projet de sélection à l’entrée de l’université » du ministre Devaquet (1986). Puis viendront les tensions entre « pédagogistes », réputés vouloir centrer l’école sur l’élève, et tenants de l’instruction traditionnelle centrée sur les savoirs…
Parmi ses collègues chefs d’établissement, elle fait des envieux. D’où lui viennent donc ce charisme et cette popularité ? Comme elle l’a laissé deviner dans son premier livre, et comme elle l’a confirmé une fois à la retraite dans La Foi du charbonnier, Marguerite Gentzbittel a une foi profonde. C’est avec la confiance et la bienveillance du Christ, son compagnon de chaque jour, qu’elle essaie de regarder tous ceux qu’elle croise. « Mon rapport au Christ n’a pas changé », témoignait-elle à La Croix en 2007. « Si je ne sais toujours pas bien qui est Dieu, la résurrection, l’espérance et le Christ, j’y suis accrochée… »
Après son départ à la retraite, en 1995, Marguerite Gentzbittel a dirigé une association de tutorat s’occupant de malades psychiatriques, toxicomanes et alcooliques. Douze ans plus tard, elle était revenue à Belfort, sa ville natale, s’installant dans l’ancien appartement de sa mère. Là, elle a activement participé au bulletin et au catéchisme paroissiaux, à l’Action catholique générale féminine (ACGF), tout en continuant de fréquenter l’abbaye cistercienne de la Grâce-Dieu (Doubs) où, jeune, elle avait failli entrer.
Ses obsèques ont eu lieu dans l’intimité familiale, suivies de son inhumation au cimetière de Bellevue à Belfort.
Claire Lesegretain
(1) Lire aussi La cause des élèves, 1991, et La foi du charbonnier, 1995.
(2) Cette série télévisée en 26 épisodes de 90 minutes a été diffusée d’octobre 1994 à février 2006 sur France 2, sous le titre Madame le Proviseur puis sous celui de Madame la Proviseure.

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