Rupture avec le passé et création
d'un nouvel empire
« Ayant fixé le titre impérial, Shi Huangdi détermina
l'Emblème et le Nombre significatifs de la dynastie qu'il fondait. Il choisit Six
comme Nombre-étalon, et régna en vertu de l'élément Eau.
Ainsi fut déterminée la couleur (le noir correspond à l'eau et au nombre 6) des
vêtements et des drapeaux. Les chapeaux officiels eurent six pouces, de même
que les tablettes des contrats. Six pieds firent un pas. Un attelage eut six
chevaux. L'Eau, le Noir, le Nord correspondant à un principe de sévérité, la
politique du gouvernement se trouvait orientée : tout devait se décider
conformément à la Loi et à la Justice, et non conformément à la Bonté et à la
Bienfaisance. Le gouvernement s'accordait ainsi avec la Vertu élémentaire
chargée de présider aux temps nouveaux. Le Temps et le Calendrier furent
renouvelés. »
— Marcel Granet, La civilisation chinoise,
p. 48
On notera que comme tout tyran qui se respecte, il a fait brûler tous les classiques
L'autodafé des classiques
Dans ce système de gouvernement, aucune opposition ne
pouvait être tolérée. Les enseignements confucéens n'avaient pas droit de cité dans
l'empire Qin, et Li Si en était le principal détracteur. L'attachement de
nombreux lettrés, dont certains faisaient partie de la cour de l'empereur, aux
valeurs du passé et aux leçons des dynasties anciennes finirent par conduire
aux proscriptions des livres, à partir de 213 av. J.-C.. Le lettré Chun Yuyue35 ayant conseillé à l'empereur de
distribuer des fiefs à ses fidèles comme le faisait le roi des Zhou, Li Si,
opposé à « la corruption du présent par le passé », recommanda la
promulgation d’un décret dont il fut le principal artisan, ordonnant la
destruction de tous les ouvrages de l'empire, à l'exception de l’Histoire de
Qin, des manuels de médecine, d'agriculture et de divination36. Les exemplaires de la bibliothèque
impériale furent épargnés mais disparurent en -206 lors de l’incendie de
Xianyang par Xiang Yu37. Cette mesure, visant notamment les
nombreuses annales des anciens royaumes, avait pour ambition d'effacer le passé
et par là même, de « réformer les mœurs par l'intermédiaire des
Lois », ainsi que l'empereur décrivait son action38. Les œuvres de Confucius étaient les plus directement visées par
les décrets de proscriptions. En effet, tous les lettrés pris en possession
d'un classique confucéen, risquaient jusqu'à la mort. Plus que de simples
interdictions, des perquisitions massives eurent lieu chez les lettrés pour purger
la Chine de la corruption du passé. Bien des lettrés rivalisèrent d'ingéniosité
pour dissimuler leur copie de classique, certains en cachèrent dans des stèles
et d'autres sous des planchers ou dans des murs. Cependant, Li Si prit soin de classer le Daodejing de Lao Zi, dans la catégorie des arts divinatoires
pour le sauver des purges, alors que la plupart des ouvrages philosophiques
étaient appelés à brûler.
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