La
médecine occidentale à l’épreuve de l’ayurveda
Par Danièle Moyse
Le 6 juin 2013, Arte diffusait Mon docteur indien, le
documentaire de Simon Brook, qui évoque la rencontre du cancérologue Thomas
Tursz avec les médecins indiens qui ont soigné par la médecine ayurvédique une
de ses anciennes patientes, alors atteinte d’un cancer du sein. Impressionné par
la guérison de Marinella Bani, cette malade qui avait refusé plusieurs des
traitements proposés à l’Institut Gustave-Roussy, le professeur Tursz a accepté
d’accompagner Marinella jusque dans l’hôpital d’Inde du Sud où elle a été
accueillie.
C’est avec tout ce qu’il est, que le professeur habitué
aux validations scientifiques, et désireux de comprendre les « techniques » qui
ont guéri Marinella, entreprend le voyage. La rencontre n’en est que plus
passionnante ! Car le praticien français n’est pas d’abord présenté à un médecin,
du moins au sens que notre médecine donne désormais à ce mot, mais à un sage.
Si ayurveda signifie effectivement, en sanscrit, « la
connaissance de la vie », il apparaît aussitôt que cette « connaissance » ne
relève pas principalement, pour les savants indiens, de la science biologique.
Aussi, quand le médecin occidental demande : « Quelle est votre méthodologie, votre technique ? »
la réponse qui lui est donnée constitue
en soi un bouleversement de la conception actuelle de la médecine occidentale :
« Nous commençons par essayer de
gagner l’amitié des malades », « Nous n’avons pas de méthodologie ; on interagit
et on s’adapte ».
Sans qu’il en soit peut-être très conscient, le sage
indien énonce ainsi ce que signifie philosophiquement, pour nous, avoir ou ne
pas avoir de méthode. Tout le monde comprend en effet qu’un médecin qui exerce
méthodiquement suit une démarche rationnelle, mais la plupart auront oublié qu’avoir
une « méthode », au sens que Descartes a imprimé à ce terme, c’est précisément ne pas « interagir et s’adapter », mais chercher à imposer aux phénomènes la loi de l’esprit,
« en supposant même de l’ordre
entre “les objets” qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres »
(Discours de la méthode) ! On
sent donc à plusieurs reprises que le médecin occidental semble rechercher
quelle rigueur scientifique préside à cette médecine dépourvue de méthodologie.
Inversement, on se demande comment les médecins
indiens pourraient s’entendre avec des praticiens qui luttent d’abord contre
des maladies, là où ils tentent de soigner des malades. Deux mondes s’affrontent
: celui où l’on se donne pour but de supprimer les symptômes ; celui où l’on tente
de réinscrire le malade dans un univers de sens où il pourrait se réconcilier avec
la vie.
Pourtant, le dialogue s’instaure, les médecins
indiens reconnaissant aux Occidentaux des résultats thérapeutiques rapides, là
où leurs médicaments conjugués à une réforme en profondeur de la façon d’envisager
l’existence ne produisent d’effets que sur le long terme. Aussi affirment-ils
ne jamais proposer l’arrêt des chimiothérapies ou radiothérapies, jugées
souvent nécessaires pour tenir en bride la maladie. On se prend alors à rêver d’une
médecine qui, conjuguant l’efficacité de la science moderne avec une
compréhension globale de l’homme, se remémorerait l’époque où, invoquant
Asclépios, fils d’Apollon, les médecins grecs auxquels Hippocrate était affilié
donnaient spontanément au retour à la santé une dimension spirituelle !
Retrouvez la chronique de Danielle
Moyse sur http://philosophies.tv
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