« Les fraudes, les voleries, les usures…
»
C’était écrit
PAR Jérôme Leroy
«
Vous raconterai-je ici tous les maux que ce maudit désir des richesses a
apportés au genre humain ? » Ce n’est pas un
dirigeant d’extrême gauche qui pose cette question – ici purement rhétorique –,
mais un jeune prêtre promis à un brillant avenir. « Les fraudes, les voleries,
les usures, les injustices, les oppressions, les inimitiés, les parjures, les
perfidies, c’est le désir de richesses qui les a ordinairement amenés sur
terre. » Alors quoi ? S’agit-il d’un de ces théologiens de la libération, comme
Dom Helder Camara, qui remarquait avec étonnement : « Quand je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint
; quand je demande pourquoi ils sont pauvres, on dit que je suis communiste. »
Non
plus. Ce jeune prêtre vient-il de découvrir, au cœur de l’été 2013, le
classement des plus grandes fortunes françaises publié par Challenges ? On y apprenait que l’homme le plus
riche de France pesait 24,3 milliards d’euros, soit 1 821 589 années de SMIC.
Autant dire une éternité, un sujet cher à notre jeune prêtre car son affaire,
c’est le salut, pas la révolution. On apprenait aussi que le montant total de
la fortune professionnelle des 500 plus riches s’élève à 330 milliards d’euros,
soit 25 % de plus qu’en 2012. Autrement dit, un cent millième de la population
française détient environ 10 % du patrimoine financier du pays.
Il y a
de quoi s’inquiéter pour notre jeune prélat, qui dit que cette richesse est
fondée sur la spéculation : « Pourquoi l’avaricieux, mettant sa joie et son
espérance dans quelque mauvaise année et dans la disette publique, prépare et
agrandit ses greniers afin d’y engloutir toute la subsistance du pauvre, qu’il
lui fera acheter au prix de son sang, lorsqu’il sera réduit aux abois ? » On ne
l’accusera pourtant pas d’être animé par le ressentiment, l’ultime argument du
riche contre ceux qui dénoncent les inégalités, et encore moins par l’envie.
Pour le jeune prêtre, désirer la richesse, c’est se condamner au même sort que
le riche : « Si vous n’êtes pas riches, vous avez envie de le devenir ; et ces
malédictions des richesses doivent tomber non tant sur les riches que sur ceux
qui désirent de l’être. » Mais ne vous inquiétez pas trop. En même temps que
Dieu, Voltaire a tué la culpabilité du riche. Et le jeune prêtre ne dérange
plus personne. Il est vrai que le Panégyrique de saint François d’Assise fut
prononcé à Metz le 4 octobre 1652 – autant dire une éternité. Le jeune prêtre
s’appelait Bossuet.
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