mercredi 22 octobre 2014

ça ne date pas d'aujourd'hui : Thatcher, Voltaire, même combat

« Les fraudes, les voleries, les usures… »
C’était écrit
PAR Jérôme Leroy

« Vous raconterai-je ici tous les maux que ce maudit désir des richesses a apportés au genre humain ? » Ce n’est pas un dirigeant d’extrême gauche qui pose cette question – ici purement rhétorique –, mais un jeune prêtre promis à un brillant avenir. « Les fraudes, les voleries, les usures, les injustices, les oppressions, les inimitiés, les parjures, les perfidies, c’est le désir de richesses qui les a ordinairement amenés sur terre. » Alors quoi ? S’agit-il d’un de ces théologiens de la libération, comme Dom Helder Camara, qui remarquait avec étonnement : « Quand je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint ; quand je demande pourquoi ils sont pauvres, on dit que je suis communiste. »
Non plus. Ce jeune prêtre vient-il de découvrir, au cœur de l’été 2013, le classement des plus grandes fortunes françaises publié par Challenges ? On y apprenait que l’homme le plus riche de France pesait 24,3 milliards d’euros, soit 1 821 589 années de SMIC. Autant dire une éternité, un sujet cher à notre jeune prêtre car son affaire, c’est le salut, pas la révolution. On apprenait aussi que le montant total de la fortune professionnelle des 500 plus riches s’élève à 330 milliards d’euros, soit 25 % de plus qu’en 2012. Autrement dit, un cent millième de la population française détient environ 10 % du patrimoine financier du pays.

Il y a de quoi s’inquiéter pour notre jeune prélat, qui dit que cette richesse est fondée sur la spéculation : « Pourquoi l’avaricieux, mettant sa joie et son espérance dans quelque mauvaise année et dans la disette publique, prépare et agrandit ses greniers afin d’y engloutir toute la subsistance du pauvre, qu’il lui fera acheter au prix de son sang, lorsqu’il sera réduit aux abois ? » On ne l’accusera pourtant pas d’être animé par le ressentiment, l’ultime argument du riche contre ceux qui dénoncent les inégalités, et encore moins par l’envie. Pour le jeune prêtre, désirer la richesse, c’est se condamner au même sort que le riche : « Si vous n’êtes pas riches, vous avez envie de le devenir ; et ces malédictions des richesses doivent tomber non tant sur les riches que sur ceux qui désirent de l’être. » Mais ne vous inquiétez pas trop. En même temps que Dieu, Voltaire a tué la culpabilité du riche. Et le jeune prêtre ne dérange plus personne. Il est vrai que le Panégyrique de saint François d’Assise fut prononcé à Metz le 4 octobre 1652 – autant dire une éternité. Le jeune prêtre s’appelait Bossuet.

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