Visait le Goncourt cette année avec "Le Royaume" mais n'a pas été retenu dans la présélection. S'il l’a écrit en visant le prix, tant pis pour lui.
Première partie : autobiographique ; il y raconte sa bouffée catho vers l'âge de trente ans, comment ça lui est tombé dessus, comment ça lui est passé et à quoi ça lui a servi : à écrire le livre en question.
Intermède : je note qu’il enquête sur le christianisme des premiers siècles après avoir dit qu'il essayait de comprendre ce qui habite les cathos d'aujourd'hui, ce qui fait une marge d’erreur de 20 siècles.
Deuxième partie: les débuts du christianisme, sa vision des principaux personnages et de la vie dans la Rome de l'époque, avec très nombreuses références aux textes (évangiles, actes des apôtres, Renan, Hyam Maccoby, un peu Loisy, un peu Nietzsche, l'une ou l'autre citation bouddhique et quelques autres); avec de nombreuses digressions où il revient sur sa vie, ses réflexions ou ses activités.
Troisième partie : le livre se termine par la relation d’un une participation aux activités du centre de Jean Vannier et la phrase finale "Je ne sais pas" (600 pages pour en arriver là, c'est bizarre et fréquent, hélas).
Lu aussi quelques articles sur le sujet, certains dithyrambiques (peut-être des copains qui espèrent un renvoi d'ascenseur), d'autres nettement moins flatteurs (Pierre Assouline et Eugénie Bastié en particulier). Je rejoins assez Pierre Assouline, juif lui-même, connaît bien les textes et comme écrivain sait tenir une plume (ce qui est bien davantage que "taper sur un clavier").
1ère observation : : c'est trop long; six cents pages pour ça, c'est beaucoup trop même si à l’exception de quelques longueurs, le livre se laisse lire.
2ème observation : catho comme ça, je l'étais avant vingt ans et puis ça m'est passé. L'être à trente, ça m'étonne un peu mais au fond à chacun son itinéraire.
3ème observation : quand on s’aperçoit que ça sonne faux, ce qui était son cas, on peut aussi chercher l'erreur et changer de cap, au lieu de tout laisser tomber ; son erreur était de répéter docilement ce qu'il avait lu et entendu en essayant d'y croire ; sur ces sujets-là surtout 'il faut réfléchir, se poser des questions, douter.
4ème observation : Le courant chrétien a permis de fonder une civilisation qui a duré jusqu'à aujourd'hui, même si certains "alumbrados"[2] des Lumières et certains rationalistes[3] en ont pillé, usurpé ou détourné l'héritage à leur profit. Carrère se dit libre-exaministe ; il me rappelle une phrase de Levinas sur l’illusion d’être penseurs où vivent certains libre-penseurs[4]. Un examen est honnête et intelligent s’il est mené à charge et à décharge, comme toute instruction. Et puis qu’est-ce que cette prétention à l’examen libre et à la pensée du même bois ?
5ème observation (pour le moment) : notre époque n’entretient plus comme philosophie que celle des droits de l’homme et autres trucs mous. Tout comme l’empire romain finissant, toujours d’après lui.
La civilisation inca s’est effondrée lorsque les incas ont douté de dieux qui ne les avaient pas protégés ; d’où baisse soudaine de la fécondité. Notre monde fait peu d’enfants, laisse se détruire les nids qui les auraient accueillis (les familles) et ne « croit » plus en son dieu. Peut-être notre civilisation est-elle morte. On ne parle d’ailleurs plus de civilisation mais de société "civile", vivre-ensemble (prière de mettre la bouche en cœur). Un juriste de l’ULB regrettait que nous ne soyons plus assez convaincus (autrement dit : que nous n’y croyons plus) de nos raisons de vivre et d’agir pour les transmettre.
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