En réponse à une question de Marie-Claude
Conatus (latin): effort.
Dans la philosophie de Baruch Spinoza : "effort pour persévérer dans son être" (L'éthique).
Citations
« chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être » (Éthique III, Prop. 6)
(cet effort) « n'est rien en dehors de l'essence actuelle de cette chose » (Éthique III, Prop. 7)
(présenté comme ça, il fait un peu pasteur protestant, non ?)
Spinoza (Baruch* de son prénom; aussi appelé Bento de Espinosa ou encore Benedictus de Spinoza): né le 24 novembre 1632 à Amsterdam et mort à La Haye le 21 février 1677 (notez le chiasme) ; philosophe hollandais issu d'une famille juive marrane portugaise émigrée pour cause d'inquisition.
Panthéiste (παν + θεος - tout + dieu): le divin est dans tout, il est immanent (in-manere: résider dans), autrement dit il est dans le monde. Or pour les monothéismes (islam, judaïsme, christianisme), le divin est transcendant (il dépasse le monde). Par conséquent, bien qu'il ait eu des relations suivies avec les religions de son temps, il a gardé ses distances vis-à-vis d'elles, qui le considéraient comme un athée.
Il me souvient qu'il s'était assez violemment querellé avec la synagogue et en avait été exclu définitivement (ce qu'on appelle herem**). On aurait même, dit la légende, essayé de le poignarder, suite à quoi Spinoza aurait gardé le manteau troué comme pense-bête qui lui rappelle où peuvent mener les passions religieuses (la laïcité devait encore être inventée, de même que le marxisme-léninisme, le national-socialisme, le maoïsme..., bref toute conviction exclusive). D'autres en ont également été exclus car en ce temps béni, la synagogue avait aussi la main lourde.
Puis il vit en taillant des lentilles pour lunettes et microscopes : ceux qui travaillent de leurs mains n'ont pas l'habitude de se payer de mots (ce qu'on ne peut pas toujours dire de ceux qui les lisent). C'est la raison de mon respect pour Monsieur Spinoza : ce n'est pas un branleur.
Faut-il ajouter qu'il a énormément lu, depuis la Torah et le Talmud jusqu'à Descartes, en passant par Hobbes, Bacon, Machiavel, les penseurs de l'Antiquité, Terence & al.
Il écrit son oeuvre en latin, raison pour laquelle les états néerlandais rechignent à le condamner bien que la cour les y incite, pour motif de blasphème (pourquoi donc abandonne-t-on le latin ? je vous le demande).
Puis Guillaume d'Orange arrivé au pouvoir met fin à une période de tolérance décrite comme "quasi républicaine." Les temps sont durs pour Spinoza, même en Hollande, mais comme il a de nombreux amis et connaissances, en Hollande et à l'étranger (dont Leibniz), et qu'il est un peu moins impétueux, sa vie s'achève assez paisiblement.
Si vous voulez lire ses oeuvres, vous les trouverez à la Pléiade, ou sur internet (c'est moins soigné mais c'est gratuit).
Pour ceux qui connaissent le néerlandais, un petit livre très vivant et très fin "En nu eten we spinazie."
Une citation pour la route, à retenir et à méditer
"Les pires tyrans sont ceux qui savent se faire aimer."A rapprocher de la petite phrase de Florence Delay
"Les vrais maîtres sont méchants."Qu'en pensez-vous ?
Son bureau
-------------------------------------------------------------------------------------* Baruch, Bento, Benedictus (ou Benoît) signifie "béni."
** herem: excommunication prononcée non pas pour des idées mais pour un comportement (mépris des anciens et des sages de la communauté).
Je note la proximité du mot avec le haram de l'islam qui signifie: illicite, interdit, sacré (le contraire de halal). Coïncidence ?
On observera que si les Provinces Unies (nom de ce qui s'appelera Pays Bas) étaient tolérantes à l'époque, en particulier pour les juifs, c'est dans ce pays que les juifs ont été éliminés en plus grande proportion pendant l'occupation allemande (95% d'après l'ancien commissaire européen Frits Bolkestein, qui commente ainsi : "La tolérance légendaire des néerlandais est en réalité un je-m'en-foutisme.")
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