PARDON MY FRENCH
d’Hervé Bourges
Karthala, 286 p., 18 €
Le français est une langue «
identitaire, partageuse, porteuse de valeurs universelles », mais « laminée au profit du
charabia », à cause des effets de la
mondialisation et du libéralisme. Confronté à cet affaiblissement, Hervé
Bourges s’inscrit contre le pessimisme des « déclinologues » de la francophonie, et contre tous ceux, y compris parmi nos
élites, qui s’excusent de parler français.
« Pardon my French », lui a fait un jour remarquer Bernard Pivot. Une phrase codée
lancée par les animateurs de télévision anglo-saxons pour attirer l’attention,
laisser entendre qu’ils vont dire une incongruité, faire un sous-entendu
sexuel… Car le mot French est «
sexy », et laisse planer un « parfum de gaudriole ». Qui dirait « Pardon my
German », ou « Pardon my Mandarin » ?, s’indigne l’ancien patron du Conseil supérieur de
l’audiovisuel. L’auteur prend donc le parti du français dans un plaidoyer
érudit et rappelle, comme l’a dit Françoise Héritier, que « le français, c’est l’élégance ». Il rend hommage au joual parlé au Québec. Amuse ses lecteurs
d’un petit lexique joual-français, avec ses faux amis, comme « c’t’écoeurant », signifiant au Québec «
c’est génial ». Il déplore, en citant
Etiemble*, « l’anglicisme d’ignorance »
comme le « Mr », fausse
abréviation de Monsieur**. Entre 200 et 300 millions de personnes parlent
français dans le monde, et l’avenir de cette langue passe par le Sud, explique
Hervé Bourges. Par les écrivains, comme l’Ivoirien Ahmadou Kourouma, le Franco-Congolais
Alain Mabanckou ou la Rwandaise Scholastique Mukasonga, et par tous les
francophones, d’Alger à Bujumbura. «
Le francophone moyen de 2030 habitera Kinshasa et aura moins de 20 ans », rappelle Hervé Bourges. En 2050, « neuf francophones sur dix seront Africains ».
NATHALIE LACUBE
Hervé Bourges est né en 1933, sorti premier de l'école de journalisme de Lille, a refusé un poste au Figaro pour entrer à Témoignage chrétien (et oui, je sais...). Opposition à la guerre d'Algérie et donc envoyé en Algérie avec le contingent, devient conseiller du premier président, Ahmed Ben Bella (plus tard renversé par Houari Boumedienne). J'en saute un paquet pour en venir à son poste de directeur de France-Télévision puis ambassadeur de France à l'UNESCO, puis président du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) ce qui lui a valu les railleries des guignols pour péché de droiture morale (ce que je lui envie), et enfin président de l'union internationale des journalistes francophones.
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Sinisant, "disciple" de "Confucius" (on dit maintenant Maître Kong ou mieux encore Kǒngzǐ ou Kǒng Fūzǐ et on écrit 孔夫子), et pourtant (ou pour cette raison ?) très attaché à la qualité de la langue française. A écrit un livre qui en son temps a fait beaucoup de bruit, dont le titre était "Parlez-vous franglais ?"
Le pôvre, s'il savait. Heureusement les guignols n'existaient pas encore.
Pour rappel, le portrait de Maître Kong
Pour rappel, le portrait de Maître Kong
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** Je l'avais lu sous la plume de l'intéressé, je le lui avais entendu dire à la télévision dans les temps maudits où je la regardais encore mais devant la présence exclusive des "Mr" dans tous les courriers, lettres, livres, articles... bref tout ce qui s'écrit en "français" je croyais avoir rêvé Et voici qu'Hervé Bourges vient confirmer mes sens : c'est "M." (et non Mr) qu'il convient d'écrire lorsqu'on veut abréger "Monsieur".
Merci, Monsieur Bourges.
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