mardi 17 mai 2016

Matines brugeoises HERODOTE

18 mai 1302
Les «Matines de Bruges»
Au petit matin du 18 mai 1302, à Bruges, en Flandre, des insurgés en armes pénètrent dans les maisons et abordent les occupants en leur demandant de répéter après eux :« Schild en vriend ! » (Bouclier et ami !). *
Il est impossible à qui n'est pas natif des Flandres de prononcer correctement cette expression. C'est ainsi que les soldats de la garnison française sont démasqués les uns après les autres et assassinés au pied de leur lit. On compte un millier de morts.
Cette journée a été appelée « Matines de Bruges » (on dit aussi « Matines brugeoises ») par analogie avec les « Vêpres siciliennes » qui chassèrent 20 ans plus tôt les Français de Sicile. Elle réduit à néant le rêve des rois capétiens d'annexer les Flandres. Jalouses de leur indépendance, les cités flamandes finissent par se fédérer à leurs voisines brabançonnes, jusqu'à constituer la Belgique.
NB : dans le langage religieux, les matines désignent les prières des moines avant le lever du jour et les vêpres, les prières du soir).
Bruges, quartier médiéval (DR)Jean Brillet


Destins croisés
Lors du premier partage de l'empire carolingien, à Verdun, en août 843, la Francie occidentale, ancêtre de la France, avait reçu la Flandre littorale, jusqu'aux bouches de l'Escaut. En 862 apparaît le comté de Flandre. Le roi Charles le Chauve confie la nouvelle seigneurie à son gendre Baudouin 1er.
Aux siècles suivants, les comtes de Flandre empiètent sur les terres voisines, qui relèvent du Saint Empire romain germanique, notamment la Zélande et le Hainaut. Ainsi deviennent-ils à la fois vassal du roi de France et de l'empereur, ce qui leur garantit une grande marge de liberté.
Dès le XIIe siècle, les tisserands flamands, à Bruges, Ypres ou Gand, ont la bonne idée d'acheter de la laine aux éleveurs anglais. Ils fabriquent ainsi des draps qu'ils revendent à prix d'or dans toute l'Europe.
À Bruges, les importateurs de laine anglaise forment une bourgeoisie qui domine la classe laborieuse des artisans. Leurs représentants, les échevins, dirigent la ville avec les représentants du comte de Flandre. Cette situation dure depuis l'assassinat du comte Charles le Bon en 1127.
En 1280, des troubles agitent les villes flamandes comme Ypres, Bruges et Douai. À Bruges, un incendie détruit le beffroi et les chartes qu'il renferme. Le comte de Flandre Guy de Dampierre punit la ville en lui imposant une lourde amende cependant que les échevins profitent de la disparition des chartes pour raffermir leurs privilèges.
Sous les règnes de Philippe Auguste et Saint Louis (Louis IX), la France est, quant à elle, devenue le plus puissant royaume d'Europe. Mais à la fin du XIIIe siècle, la Flandre et l'Angleterre commencent à lui faire de l'ombre grâce à leur enrichissement rapide.
Convoitises françaises, cajoleries anglaises
Voilà qu'en 1294, les Anglais eux-mêmes créent à Bruges une «étape». Les artisans tisserands y voient l'occasion de se fournir directement en laine anglaise sans passer par l'intermédiaire des bourgeois. Ces derniers se tournent vers le roi de France, Philippe IV le Bel.
Les tensions montent entre les deux populations. Elles sont brutalement aggravées en 1296 par le roi d'Angleterre, Édouard 1er, qui impose un embargo sur les exportations de laine pour détourner les Flamands de la laine anglaise. L'opération ne réussit que trop bien. Elle provoque révoltes et même famines. Dès l'année suivante, le comte de Flandre Guy de Dampierre négocie une alliance avec le roi d'Angleterre.
Mais Philippe IV le Bel attire le comte de Flandre à Paris et l'emprisonne. Il installe en Flandre un gouverneur à sa dévotion, Guy de Châtillon. De Lille à Bruges, les villes flamandes ouvrent leurs portes aux garnisons françaises.
Le 29 mai 1301, Philippe le Bel et sa cour sont accueillis en grande pompe à Bruges par les bourgeois (aux frais du peuple). Le roi se réjouit de l'annexion des Flandres au royaume. Un tisserand du nom de Pierre Coning (en flamand, Pieter de Coninck) appelle le peuple à la révolte. Ses partisans, les « klauwaerts » (du parti de la griffe, symbole de la Flandre), sont néanmoins repoussés par les bourgeois, favorables au roi de France (on les surnomme « leliaerts » ou parti du lys). Méfiant, le gouverneur des Flandres, Jacques de Saint-Pol, supprime les libertés de Bruges. La population se reprend alors à écouter les harangues de Pierre Coning. En représailles, les Français occupent en force la ville.
C'est alors que surviennent les « Matines de Bruges ». 1600 insurgés entrent dans la ville et assassinent les Français.
La « bataille des éperons d'or »

Comme si cet avertissement ne suffisait pas, les chevaliers français, commandés par Robert d'Artois, sont honteusement battus par les milices communales du parti de la griffe deux mois plus tard, le 11 juillet 1302, à la « bataille des éperons d'or », près de Courtrai.
* En réalité le mot de passe était " 's gilden vriend " (ami des gildes); il n'est jamais trop tôt pour apprendre ou corriger de vieilles erreurs. 

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