Ecouter la radio, c’est retrouver
rituellement des voix familières qui informent, commentent, éditorialisent,
chroniquent, divertissent, ritournelle quotidienne de sérieux et d’humour, de
drame et de légèreté. Et voici qu’hier, dans « Boomerang », l’émission
d’Augustin Trapenard sur France Inter, on entend la voix fragile, qui tremble
un peu, d’un homme de 92 ans. La voix du poète Yves Bonnefoy. Un miracle
aussitôt se produit. Alors que nous sommes habitués au brillant des formules,
aux pirouettes de style, à la séduction immédiate de la langue médiatique
d’aujourd’hui, la langue d’Yves Bonnefoy nous arrive comme d’un autre monde,
d’un autre temps, tellement elle est précise, construite, articulée, sans le
moindre relâchement, la moindre approximation, chaque mot choisi avec soin,
tellement, aussi, elle est belle, tellement elle est lumineuse. C’est une
langue qui force l’attention, qui interdit toute écoute distraite,
superficielle. C’est une langue qui nous parle de nous, du monde, de notre lien
avec le monde. C’est la langue d’un poète. Deux mots reviennent sans cesse,
comme une scansion : le mot « sens » et le mot
« présence ». Donner leur sens aux mots pour vivre pleinement notre
présence au monde, aux autres. C’est dit sans pédanterie, juste comme une
évidence. Le sens et la présence. Et ce sont des mots qui font tellement de
bien, dans l’incessante noria des mots. Dits par la voix fragile, soudain si
forte, d’Yves Bonnefoy.
Alain Rémond,
le 10/05/2016 à 0h00
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