Accord secret
Sykes-Picot
En pleine guerre mondiale, le Britannique sir
Mark Sykes et le Français François Georges-Picot négocient un accord qui
prévoit le démantèlement de l'empire ottoman après la guerre et le partage du
monde arabe entre les deux Alliés.
Les Français se réservent le Liban, la Syrie
et la région de Mossoul, au nord de la Mésopotamie ; les Britanniques le
reste de la Mésopotamie (Irak) et la Transjordanie. La Palestine doit devenir
zone internationale et le port d'Alexandrette (Syrie) acquérir le statut de
port franc.
Les
avatars d'un accord mal ficelé
L'accord fait suite à l'entrée en guerre de
l'empire ottoman aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie.
Sir Henry McMahon, haut-commissaire
britannique au Caire, tente de persuader le chérif Hussein, qui gouverne La
Mecque au nom du sultan, de soulever les Arabes contre Istamboul. Mais le
chérif réclame, en cas de succès, le pouvoir sur les provinces arabes de
l'empire.
L'affaire fait l'objet de discussions à
Londres et Paris entre les diplomates sir Mark Sykes et Georges Picot. Un
accord est conclu à Londres le 16 mai 1916 par sir Edward Grey, ministre
britannique des Affaires étrangères, et Paul Cambon, ambassadeur de France. Il
est appelé dans un premier temps « accord Cambon-Grey » (*).
Cet accord initial respecte l'esprit des
échanges McMahon-Hussein en préconisant de« détacher les Arabes des
Turcs en facilitant la création d'un État arabe ou d'une confédération d'États
arabes » sous l'autorité de Hussein et de ses fils, les Hachémites(ainsi
les qualifie-t-on en raison de leur filiation avec le prophète Mahomet et son
arrière-grand-père Hachem).
Les Arabes n'étant pas en mesure de se
prendre immédiatement en charge, il est prévu qu'ils soient conseillés et
assistés dans un premier temps par les Français, au Nord, et les Anglais, au
Sud.
La carte ci-dessous, empruntée au remarquable
article d'Henry Laurens sur le sujet (« Le grand partage », Les
Collections de l'Histoire N°69, octobre 2015) montre le projet
franco-britannique, somme toute assez proche du résultat final.
Contestation
et remises en cause de l'accord
Ce projet de partage d'influence a le don
d'exaspérer les Arabes et leurs alliés anglais quand il est dévoilé par les
bolchéviques à la fin 1917, au moment même où le général Allenby fait une
entrée triomphale à Jérusalem. Du coup, les troupes arabes assistées du « colonel » Thomas
Edward Lawrence, dit « Lawrence d'Arabie » poussent jusqu'à Damas et entrent sans
coup férir dans la capitale de la Syrie en prenant de court les Français. Le
général Henri Gouraud n'aura pas de scrupule à les chasser de Damas et les
battre le 24 juillet 1920.
En attendant, l'accord est ébréché par
la lettre de Lord Balfour au baron de Rotschild par laquelle il
promet la création en Palestine d'un « foyer national juif ».
En 1918, les troupes d'occupation anglaises et françaises prennent position au
Moyen-Orient et, le 1er décembre 1918, le Président du Conseil Georges
Clemenceau s'entretient à Londres avec son homologue David Lloyd George.
À la suite de cet entretien demeuré
confidentiel, Londres s'octroie toute la Mésopotamie, y compris Mossoul,
ainsi que la Palestine ; Paris la Syrie toute entière et la Cilicie ou« petite
Arménie », au nord.
Destinée à préparer le premier traité de paix avec la Turquie, la conférence de San Remo, du 19 au 26
avril 1920, confirme et précise l'accord secret de 1916 désormais appelé « Sykes-Picot »,
le ministre britannique ne souhaitant pas y accoler son nom.
Elle confie trois « mandats » à
Londres sur la Palestine, la Transjordanie et la Mésopotamie (Irak). La
France reçoit un mandat sur la Syrie et le Liban. Par ailleurs, un accord avec
le Royaume-Uni donne à la France 25% des parts de la Turkish
Petroleum qui exploite les gisements de Mésopotamie, autour de
Mossoul. Il s'ensuivra la création en 1923 de la Compagnie
française des pétroles (CFP), ancêtre de Total.
Ainsi se dessine pour un siècle la carte du
Moyen-Orient, avant que les soubresauts actuels du monde arabe ne la réduisent à néant.
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