22 avril 1073
Grégoire VII
et la réforme grégorienne
Hildebrand devient pape le 22 avril
1073 et prend le nom de Grégoire VII.
Ce moine d'environ 50 ans,
originaire de Soana, en Toscane, s'était acquis une excellente réputation
auprès des Romains en servant les papes précédents, Grégoire VI, Léon IX et Alexandre
II.
Il est proclamé pape et porté sur le
trône de Saint Pierre par la foule romaine, contrairement au décret qu'il avait
lui-même inspiré en 1059, réservant l'élection des papes au collège des
cardinaux (ou prêtres de premier rang, d'après le mot latin cardo).
Le nouveau pape modifie profondément
l'Église catholique pour la rendre plus morale et surtout plus indépendante des
seigneurs et des souverains. Ses mesures restent connues sous le nom de réforme
grégorienne. Certaines, toutefois, ont déjà été ébauchées par ses
prédécesseurs, sous l'inspiration de Hildebrand lui-même, du temps qu'il était
moine à Cluny, en Bourgogne.
André Larané
Scandales et
réforme
Les papes, au début du Moyen Âge,
étaient élus par le peuple de Rome en tant qu'évêques de la Ville éternelle. Ces élections se
déroulaient sous la pression des grandes familles qui se partageaient le
territoire de la ville.
Mais dans les dernières décennies de
l'ère carolingienne et jusqu'à l'orée de l'An Mil se succèdent des papes qui
n'ont rien des qualités spirituelles qu'on leur prête. Brigands, jouisseurs,
voleurs, guerriers, ils se comportent en chefs de gang, accumulant richesses
sur richesses dans leur résidence officielle du Latran.
Qui plus est, à partir du milieu du
Xe siècle, les empereurs germaniques interviennent dans les élections
pontificales en concurrence avec le peuple romain, ce qui ajoute aux désordres
et aux luttes de clans.
À considérer ce scandale permanent,
on pourrait penser que c'en est fini de l'Église catholique et de la papauté !
Mais le salut va venir du clergé régulier, celui qui vit selon une règle
monastique.
Les prémices
de la réforme grégorienne
Les prémices de la réforme
apparaissent avec Léon IX au terme d'une nouvelle période de turbulences
marquée par la démission en quelques mois du pape débauché Benoît XI et de son
parrain et successeur Grégoire XII...
Le nouveau pape est imposé à
Rome en 1049 par son cousin Henri III, le plus énergique de tous les empereurs
germaniques. Pendant les cinq années de son pontificat, Léon IX ne va avoir de
cesse de parcourir l'Occident et de réunir évêques et abbés en synodes pour les
convaincre de l'urgence de réformer l'institution ecclésiastique.
Son successeur Victor II, qui est
aussi son parent, va poursuivre ses efforts avec le concours efficace du moine
Hildebrand, de même que les papes suivants, dont le pontificat demeure très
bref : Étienne IX, Nicolas II et Alexandre II. Ce dernier, élu en 1061,
est issu de l'ordre de Cluny, tout comme Hildebrand et plusieurs de ses
prédécesseurs. À sa mort, c'est assez naturellement Hildebrand qui est porté
sur le trône de Saint Pierre...
Les principales pierres
d'achoppement de la réforme ecclésiale sont au nombre de deux :
- la simonie
La simonie désigne le trafic
contre argent des biens d'Église. Le mot simonie vient de Simon le
Magicien, un personnage légendaire qui aurait offert à l'apôtre Saint Pierre de
lui acheter le don de faire des miracles,
- le mariage
et le concubinage des prêtres
Dès l'an 303, au concile d'Elvire,
près de Grenade, l'Église a recommandé la chasteté et le célibat à ses membres,
par souci d'élévation morale mais cette recommandation a été peu appliquée par
la suite. Le Saint-Siège a dû tolérer le mariage et le concubinage des prêtres,
en particulier des séculiers.
Si le pape veut désormais imposer
avec rigueur le célibat au clergé, ce n'est pas seulement pour des raisons « morales »
mais aussi politiques et économiques. Les prêtres mariés étaient en effet
tentés de s'enrichir et de constituer une rente au profit de leurs descendants,
privant l'Église des moyens matériels indispensables à l'accomplissement de sa
mission.
Pour réussir dans son entreprise, le
pape qui, au début du Moyen Âge, était simplement considéré comme l'évêque de
Rome, veut imposer sa prééminence sur les autres évêques. Cette prééminence est
acceptée par les Occidentaux avec plus ou moins de bonne grâce mais rejetée par
les Orientaux de culture grecque.
C'est ainsi que s'élargit le fossé entre l'Église de Rome, qui prétend au
qualificatif de catholique, c'est-à-dire universelle, et l'Église de
Constantinople, qui se qualifie d'orthodoxe (en grec : conforme
à la vraie Foi).
L'action de
Grégoire VII
L'évêque Yves de Chartres et les
moines de Cluny sont les principaux inspirateurs de la réforme grégorienne qui
vise à instaurer l'autorité du pape sur la chrétienté et à ne plus cantonner le
Saint-Siège dans les fonctions symboliques qui étaient jusque-là les siennes.
Grégoire VII commence par proscrire
le nicolaisme, c'est-à-dire lemariage et le concubinage des prêtres, puis
condamne fermement la simonie. Il s'attelle ensuite à la formation des curés
qui, trop souvent incultes, se souciaient assez peu d'évangéliser leurs
ouailles.
Enfin, par vingt-sept propositions
célèbres de 1075 (le Dictatus papae), il réserve au collège des
cardinaux l'élection des papes. Il condamne les investitures laïques,
c'est-à-dire le droit qu'avaient les souverains de nommer les évêques.
C'est une révolution dans un monde
où, selon la tradition antique, on est encore porté à penser que l'empereur est
le représentant de Dieu sur la Terre et que le clergé a vocation à le servir.
Grégoire VII, inspiré par l'esprit de Cluny, souhaite au contraire imposer la primauté
du pouvoir spirituel sur le pouvoir séculier, celui de l'empereur et des
souverains. Il veut pour le moins une Église autonome. C'est une préfiguration
de la laïcité moderne.
Le pape va s'opposer avec violence,
sur la question des investitures, à l'empereur d'Allemagne Henri IV. Celui-ci,
fort habilement, lui demandera pardon à Canossa pour mieux l'abattre mais la papauté
imposera finalement l'essentiel de ses vues par le Concordat de Worms, en 1122.
Renopuveau du
monde chrétien
L'Église sort considérablement
rajeunie de la réforme grégorienne. Elle entraîne l'Occident médiéval dans une
expansion sans précédent, illustrée par la construction d'églises et de
cathédrales, l'éclosion des Universités et une relative paix civile. Les croisades seront une conséquence plus contestable
du renouveau de la foi en Occident.
Raoul Glaber, un clerc bourguignon du XIe siècle,
mort en 1047, reste connu pour ses chroniques de l'époque de l'An Mil. Il
témoigne du renouveau qui saisit l'église d'Occident à la veille de l'élection
de Grégoire VII.
Son texte ci-après annonce l'art roman :
« Comme approchait la troisième année qui suivit l'an mil, on vit dans presque toute la terre, mais surtout en Italie et en Gaule, rénover les bâtiments des églises ; une émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celles des autres. C'était comme si le monde lui-même se fut secoué et, dépouillant sa vétusté, eut revêtu de toutes parts une blanche robe d'églises » (Histoires).
« Comme approchait la troisième année qui suivit l'an mil, on vit dans presque toute la terre, mais surtout en Italie et en Gaule, rénover les bâtiments des églises ; une émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celles des autres. C'était comme si le monde lui-même se fut secoué et, dépouillant sa vétusté, eut revêtu de toutes parts une blanche robe d'églises » (Histoires).
À la suite de la réforme grégorienne,
les XIe et XIIe siècles vont entraîner la naissance de l'art roman (ou
romain, c'est-à-dire d'inspiration latine). Différentes provinces périphériques
de France en conservent de précieux témoignages. Ainsi l'église de la
Madeleine, à Vézelay, en Bourgogne, Notre-Dame-la-Grande, à Poitiers, ou encore
l'église Saint-Front, à Périgueux.
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