"Asinus asinum fricat"Litt.: l'âne frotte l'âne.
Une des exclamations favorites de notre maître d'école lorsque l'un de nous riait des erreurs ou des supposées sottises d'un autre (il n'y avait alors que des garçons dans la classe).
L'expression avait pour lui un sens que ne reconnaît pas l'usage ; elle signifiait en gros : "qui se ressemble s'assemble"...
Alors qu'en fait elle est utilisée à propos des éloges excessifs que se font deux personnes de peu d'esprit et de culture.
(Digression : ne sont-ils pas mignons ? Mais au fait, sont-ce des ils ou des elles ? Pourquoi n'écrirait-on pas "ne sont-ELLES pas mignonnes ?", histoire de corriger - ne fût-ce qu'un chouïa - des siècles de domination MALE sur la grammaire ? Fin de la digression)
Passons ! L'expression était tombée dans l'oubli sinon en désuétude jusqu'à ce que le bon Jean de la Fontaine la remette en vogue, pour quelques temps, avec la fable "Le lion, le singe et les deux ânes" que je vous livre, en partie, avec des illustrations de Doré, Granville, Arachtingi....
Le lion, le singe et les deux ânes (extrait)
(...) L'autre jour, suivant à la trace
Deux ânes qui, prenant tour à tour l'encensoir,
Se louaient tour à tour, comme c'est la manière,
J'ouïs que l'un des deux disait à son confrère
« Seigneur, trouvez-vous pas bien injuste et bien sot
« L'homme, cet animal si parfait ? Il profane
« Notre auguste nom, traitant d'âne
« Quiconque est ignorant, d'esprit lourd, idiot
«Il abuse encore d'un mot,
« Et traite notre rire et nos discours de braire.
« Les humains sont plaisants de prétendre exceller
« Par-dessus nous ! Non, non c'est à vous de parler,
« A leurs orateurs de se taire
« Voilà les vrais braillards. Mais laissons là ces gens
« Vous m'entendez, je vous entends ;
« Il suffit. Et quant aux merveilles
« Dont votre divin chant vient frapper les oreilles,
« Philomèle est au prix novice dans cet art
« Vous surpassez Lambert ». L'autre baudet repart
«Seigneur, j’admire en vous des qualités pareilles. »
Ces ânes, non contents de s'être ainsi grattés,
S'en allèrent dans les cités
L'un l'autre se prôner ; chacun d'eux croyait faire,
En prisant ses pareils une fort bonne affaire,
Prétendant que l'honneur en reviendrait sur lui.(...)
(Si le coeur vous en dit, voyez la suite sur le lien suivant:
http://www.lafontaine.net/lesFables/afficheFable.php?id=213)
Idem pour Erasme avec son Eloge de la Folie
« Rien n'est plus plaisant que de voir des ânes s'entregratter soit par des vers, soit par des éloges qu'ils s'adressent sans pudeur :- Vous surpassez Alcée, dit l'un- Et vous Callimaque, dit l'autre- Vous éclipsez l'orateur romain- Et vous vous effacez le divin Platon »
La réalité est bien plus prosaïque : si les ânes se frottent l'un à l'autre, c'est pour calmer leurs démangeaisons réciproques, tout simplement. Bel exemple de "win-win" que nous ferions bien d'imiter.
Et n'en déplaise au singe que cite La Fontaine, les ânes ne sont pas bêtes du tout ; simplement ils savent dire non, en quoi nous ferions bien, là aussi, de prendre exemple sur eux.
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