Arrachez les
portes mêmes de leurs gonds !
Qui dégrade
autrui me dégrade
Et rien ne se
dit ou se fait, qui ne retourne enfin à moi.
A travers moi
le souffle spirituel s'enfle et s'enfle, à travers moi c'est le courant et
c'est l'index.
Je profère le
mot des premiers âges, je fais le signe de démocratie,
Par Dieu ! Je
n'accepterai rien dont tous ne puissent contresigner la copie dans les mêmes
termes.
A travers moi
des voix longtemps muettes
Voix des
interminables générations de prisonniers, d'esclaves,
Voix des mal
portants, des désespérés, des voleurs, des avortons,
Voix des cycles
de préparation, d'accroissement,
Et des liens
qui relient les astres, et des matrices et du suc paternel.
Et des droits
de ceux que les autres foulent aux pieds,
Des êtres mal
formés, vulgaires, niais, insanes, méprisés,
Brouillards sur
l'air, bousiers roulant leur boule de fiente.
A travers moi
des voix proscrites,
Voix des sexes
et des ruts, voix voilées, et j'écarte le voile,
Voix indécentes
par moi clarifiées et transfigurées.
Je ne pose pas
le doigt sur ma bouche
Je traite avec
autant de délicatesse les entrailles que je fais la tête et le cœur.
L'accouplement
n'est pas plus obscène pour moi que n'est la mort.
J'ai foi dans
la chair et dans les appétits,
Le voir,
l'ouïr, le toucher, sont miracles, et chaque partie, chaque détail de moi est
un miracle.
(…)
Walt Whitman,
« Chant de moi-même », Poèmes et proses, paragraphe 24, traduction
André Gide, Gallimard.
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