Pour la théologie chrétienne, la mort est un passage nécessaire
Que penser de la possibilité déjà offerte de cryogéniser son corps post-mortem dans l’espoir de ressusciter un jour ? Ou de celle, dans un futur plus ou moins proche, de recevoir des « autogreffes » grâce à des cellules souches et ainsi de se renouveler indéfiniment ? Sur toutes ces techniques futuristes dont le projet revient à repousser, voire même à supprimer la mort, le magistère ne s’est pas encore explicitement prononcé. Et pour cause, il y a peu, cette perspective relevait encore de lascience-fiction. Mais les théologiens, dans leur réflexion, peuvent s’appuyer sur les fondamentaux de
l’anthropologie chrétienne, qui notamment connaît l’homme dans sa finitude de créature
(1). « On se trouve ici à l’acmé du rêve de toute puissance.
Car, de l’espace et du temps dans lesquels l’homme éprouve la morsure de sa finitude, c’est bien ce dernier qui offre le point maximal de résistance », relève ainsi Anne-Marie Pelletier, professeur émérite de littérature et enseignante au Collège des Bernardins.
La théologienne n’hésite pas à rapprocher ce rêve d’une « humanité augmentée à l’infini » de la prétention déjà mentionnée par la Genèse d’« être comme des dieux », c’est-à-dire connaissant « le bien et le mal » mais aussi exemptés de la mort…
Par le récit de la in des patriarches qui meurent « rassasiés de jours » ou à travers les méditations décapantes de l’Ecclésiaste, la Bible rappelle à l’inverse qu’il y a bien « un temps pour enfanter et un temps pour mourir » (Qohélet 3).
Vus sous ce jour, les désirs d’immortalité des hommes apparaissent donc d’abord comme une manifestation de l’orgueil humain face à une finitude jugée insupportable. Mais aussi comme « un fantasme absurde ». « Une vie prolongée indéfiniment à l’identique serait un enfer », fait valoir Anne-Marie Pelletier, rappelant au contraire la promesse annoncée par Isaïe et reprise par Jean dans son Apocalypse d’une « terre nouvelle et (de) cieux nouveaux ». « Les morts ne revivront pas », prévient le prophète Isaïe (26, 14), ruinant par là nos espérances imaginaires et nos représentations idolâtriques, avant – quelques versets plus loin – de rappeler que Dieu seul a pouvoir sur la mort : « Tes morts revivront, tes cadavres ressusciteront. » Dans la foi chrétienne, seul le passage par la mort ouvre à la vie éternelle et à la résurrection des corps.
Loin des fausses consolations offertes par les visions si répandues aujourd’hui sur « l’au-delà », la Bible airme que « si Dieu a ce pouvoir de surmonter la mort, c’est parce qu’il est saint, explique la théologienne. C’est la teneur en sainteté de nos vies qui est gage de vie éternelle ».
ANNE-BÉNÉDICTE HOFFNER
(1) Transversalités, supplément 3. « Destinée de l’humanisme et révolution anthropologique contemporaine. Trouble dans la définition de l’humain (II) ». Revue de l’Institut catholique de Paris. Sous la direction d’Henri-Jérôme Gagey et Brigitte Cholvy, 2015, 20 €.
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