dimanche 1 juin 2014

Poltique et médecine

Une de nos connaissances m'envoie cette petite histoire; je ne résiste pas au plaisir de vous en faire profiter.
Versant politique
Tout   commence en janvier 1686, où Louis XIV tombe subitement malade.  Il semble qu'il se soit piqué en s'asseyant sur une plume des coussins qui garnissaient son carrosse déclenchant un abcès à l'anus, qu'il aurait fallu immédiatement inciser pour éviter que la blessure ne s'infecte.   Mais les médecins du roi, épouvantés à l'idée de porter la main sur le fondement de la monarchie, optèrent pour des médecines douces*, type onguents.   Ces méthodes ne donnèrent aucun résultat.
Tout cela dura près de 4 mois et les douleurs royales ne cessaient pas !
Brusquement, vers le 15 mai, les chirurgiens, verts de peur, soupçonnèrent l'existence d'une fistule.   Ce fut l'affolement général. Finalement, le 1er chirurgien Félix de Tassy (appelé simplement FELIX) décide d'inciser et "invente" un petit couteau spécial, véritable pièce d'orfèvrerie dont la lame était recouverte d'une chape d'argent.
Mais il fallut encore 5 mois pour fabriquer ce petit bijou...


 L'instrument et le roi (c'est au visage que l'on le reconnaît)
L'opération eut lieu le 17 novembre (sans anesthésie !) Il faudra encore 2 autres incisions (la plaie ayant du mal à se refermer pour cicatriser) pour qu'enfin à la Noël 1686, on puisse déclarer que le roi était définitivement sorti d'affaire...et mettre fin aux rumeurs qui, à l'étranger, se propageaient disant que Louis XIV était à l'agonie.
Dès l'heureuse issue de l'intervention connue, des prières furent dites dans le royaume et les dames de Saint Cyr (création de Mme de Maintenon devenue épouse morganatique) décidèrent de composer un cantique pour célébrer la guérison du roi.
La supérieure, Mme de Brinon (nièce de Mme de Maintenon) écrivit alors quelques vers assez anodins qu'elle donna à mettre en musique à Jean-Baptiste Lully.

Grand Dieu sauve le roi !
Longs jours à notre roi !
Vive le roi . A lui victoire,
Bonheur et gloire !
Qu'il ait un règne heureux
Et l'appui des cieux !

Les demoiselles de Saint Cyr prirent l'habitude de chanter ce petit cantique de circonstance chaque fois que le roi venait visiter leur école.
C'est ainsi qu'un jour de 1714, le compositeur Georg Friedrich Haendel, de passage à Versailles, entendit ce cantique qu'il trouva si beau qu'il en nota aussitôt les paroles et la musique. Après quoi, il se rendit à Londres où il demanda à un clergyman nommé Carrey de lui traduire le petit couplet de Mme de Brinon.
Le brave prêtre s'exécuta sur le champ et écrivit ces paroles qui allaient faire le tour du monde :

God save our gracious King,
Long life our noble King,
God save the King!
Send him victorious
Happy and glorious
Long to reign over us,
God save the King !

Haendel remercia et alla immédiatement à la cour où il offrit au roi - comme étant son oeuvre - le cantique des demoiselles de Saint Cyr.
Très flatté, George 1er félicita le compositeur et déclara que, dorénavant, le "God save the King" serait exécuté lors des cérémonies officielles.
Et c'est ainsi que cet hymne, qui nous paraît profondément britannique, est né de la collaboration :
- d'une Française (Mme de Brinon),
- d'un Italien (Jean-Baptiste Lully -ou Lulli-) naturalisé français,
- d'un Anglais (Carrey),
- d'un Allemand (Georg Friedrich Händel -ou Haendel-) naturalisé britannique, et .....
- d'un trou du c… Français, celui de sa Majesté Louis XIV.
Un hymne européen, en fait !

Si Louis XIV ne s'était pas mis, par mégarde, une plume dans le "prose", quel serait aujourd'hui l'hymne britannique ?...  
Pourrez-vous désormais écouter "God save the Queen" sans penser à cette petite plume ?

*  hé hé !
Versant médecine
Le pauvre Félix a sué sang et eau pour délivrer le roi de son mal. L'intervention a eu lieu en deux temps, en effet. A chaque fois, Félix s'est exercé sur des cadavres (et sans doute aussi sur des gens de peu, ce dont l'histoire ne dit rien ; il ne serait d'ailleurs ni le premier ni le dernier à l'avoir fait).
L'intervention finale et les tourments qui l'ont précédée ont laissé au pauvre Félix un tremblement des mains définitif. C'est ce que raconte un de nos confrères de l'académie française, professeur d'ophtalmologie et historien de la médecine, Yves Pouliquen (fauteuil n° 35).
La suite de l'histoire est moins connue ; après l'intervention du sieur Félix, la profession de chirurgien est grandement montée dans l'estime générale ; fini le temps des barbiers méprisés, et finie l'arrogance des médecins. Par décision royale les deux spécialités ont été contraintes de collaborer, pour le plus grand bien (ou le moindre malheur) des malades. Sur ce sujet, voyez le lien suivant:
Le Dr Pouliquen en grande tenue
Il paraît que Hyacinthe Rigaud aurait fait le portrait de son confrère du XVIIème siècle mais je suis bien en peine de le retrouver.

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