Mot proposé par le Dr Achille Souques (le dernier interne de Charcot - voir photo) et Mme Rosanoff en 1915.
La guerre de 14-18 a souvent été décrite comme une guerre de position, où les deux armées se faisaient face, de tranchée à tranchée. Or pour se déplacer dans certaines tranchées, il valait mieux marcher courbé.
Comme certains soldats persévéraient dans cette attitude, même la guerre finie, on leur a collé l'étiquette charmante de camptocormie (le grec ça sonne bien et ça fait scientifique) ; on y attachait l'épithète tout aussi charmant d'hystérique, mot pourtant d'habitude réservé aux femmes (hystérie vient du mot grec υστερος qui signifie utérus), histoire de suggérer que ces soldats n'étaient que des femmelettes, des lâches, des poltrons*.
Pourtant il y avait bien d'autres explications possibles (rhumatismes, faiblesse des muscles dorsaux, ostéoporose, tuberculose vertébrale, maladies neurologiques myopathies etc...) mais comme peu de gens aiment faire la guerre, il était plus simple de fermer la voie vers un diagnostic lucide et de faire la morale aux hommes pour les envoyer se faire tuer.
Bien plus tard on a compris que les guerres blessent de mille et une façons. Après le terme de névrose de guerre ou de combat, est venu celui de PTSD (Post Traumatic Stress Disorder) ; comme ça venait d'Amérique, ce ne pouvait être que vérité révélée, et aujourd'hui ce n'est plus le grec mais l'anglais qui fait sérieux. Au point de devenir un diagnostic envahissant. N'empêche ! Quand pendant quatre ans on a risqué sa vie à se tenir droit comme un i, on a quelque excuse à en garder un air penché.
Enfin cette camptocormie est bien plus fréquente en temps de paix que pendant une guerre; l'âge et l'ostéoporose se chargent de nous ramener à la mesure. Après tout, si humain vient de humus, quoi de plus normal que de chercher son salut dans "notre mère la terre" (ça c'est pour pas se faire mal voir des écolos).
Comme l'écrivait Alphonse Allais dans une rédaction où il fallait imaginer la réponse de Clovis à l'adresse de St Remi ("Courbe-toi, fier Sicambre !"), lors de son baptème à Reims:
"Cambre-toi, vieux si courbe !"
-------------------------
* Poltron vient des mots latins pollix (le pouce) et truncatus (tranché) car, dit-on, ceux qui refusaient le service armé se tranchaient le pouce, ce qui, faut-il le préciser, rend le maniement de la lance et de l'épée, et de bien d'autres choses, assez malaisé. Sans doute les fils de famille étaient-ils les seuls à pouvoir se permettre ce luxe, les autres n'ayant pas les moyens de se payer des esclaves.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire