"... J'étais en train de parler aux sentinelles en vue de la relève de la garde. Soudain, au beau milieu d'une phrase, je sentis... c'est très difficile à décrire ce que je sentis, bien que j'en conserve un souvenir très vif et très net.
Généralement parlant, j'eus l'impression d'être au centre d'une explosion. Il me sembla y avoir tout autour de moi un grand claquement et un éclair aveuglant, et je ressentis une secousse terrible - pas une douleur, seulement une violente commotion, comme celle que l'on reçoit d'une borne électrique, et en même temps la sensation d'une faiblesse extrême, le sentiment de m'être ratatiné sous le coup, d'avoir été réduit à rien. Les sacs de terre en face de moi s'enfuirent à l'infini. J'imagine qu'on doit ressentir à peu près la même chose lorsqu'on est foudroyé. Je compris immédiatement que j'étais touché, mais à cause du claquement et de l'éclair je crus que c'était un fusil tout près de moi dont le coup, parti accidentellement m'avait atteint. Tout cela se passa en beaucoup moins d'une seconde. L'instant d'après mes genoux fléchirent et me voilà tombant et donnant violemment de la tête contre le sol, mais, à mon soulagement, sans que cela me fît mal. Je me sentais engourdi, hébété, j'avais conscience d'être grièvement blessé, mais je ne ressentais aucune douleur, au sens courant du mot." (Georges Orwell, Hommage à la Catalogne, p. 174-175 - Ed. 10-18 - ISBN 978-2-264-03038-2).Georges Orwell s'est engagé comme volontaire dans les brigades internationales pour lutter contre les troupes de Franco. Près de Huesca, à l'endroit le plus risqué de son réseau de tranchées, il est grièvement blessé à la gorge, ce qu'il raconte dans ce passage. C'est la seule description que j'aie jamais lue de ce qui arrive à un blessé en temps de guerre, faite par celui qui le vit.
Orwell faisait partie du groupe des anarchistes (le POUM Partitdo Obrero de Unificacion Marxista) que les communistes staliniens ont trahis et éliminés en grande partie, ce qu'il raconte à la fin du livre ; ce qui a mis fin à ses illusions sur communisme, marxisme & Co; d'où ses livres "Animal Farm" et "1984".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire