lundi 24 février 2014

from the far west & east


L'objet proviendrait d'un saloon du far west. C'était le bon temps où il était permis de cracher, en public comme en privé. Le coiffeur, le saloon, parfois même le tram et le train en étaient pourvus.
Le contenu variait suivant le lieu ; chez les nantis, c'étaient des antiseptiques parfois toxiques; ailleurs du sable, de la sciure ou des cendres.

L'objet a disparu, sauf chez le dentiste et les oenologues ; on pourrait se demander pourquoi, car enfin il s'agit souvent d'une nécessité. Mais même le fait de cracher est considéré comme très vulgaire; il suffit de voir nos mines dégoûtées lorsque, en Chine, au petit matin, entre autres chants d'oiseaux on entend des autochtones se racler bruyamment la gorge et l'arrière-gorge etc...

Illustrations presque contemporaines



Où vent d'est et vent d'ouest se rencontrent (hommage à Pearl Buck), devant un crachoir.

Une raison que je n'ai trouvée nulle part, est la nécessité de rejeter des sécrétions qui pourraient contenir le bacille de Koch, responsable de la tuberculose. Pour mémoire, la tuberculose se transmettait beaucoup plus rapidement que le VIH/HIV et tuait infimiment plus de monde ; par exemple, dans la famille Bronte, cinq personnes sur six en sont mortes.

De ce noble ustensile est née l'expression "tenir le crachoir" qui décrit celle ou celui qui monopolise la parole.
L'expression me paraît tronquée ; "tenir le crachoir à quelqu'un" (qui parle beaucoup) sonne plus juste, du moins à mes oreilles.
Que vous semble ?

Modèle de salon ; joli, non ?



Revenons à notre temps par une transition.
Cracher, c'est passé, mais qu'ont dit les cracheurs quand on leur a ôté la liberté de se débarrasser de ce qui les gênait, qu'on les a stigmatisés ?


Et que diront nos petits-enfants lorsqu'ils apprendront que, à une époque héroïque, il était normal de souffler dans l'air que tous respirent, une fumée chargée de nicotine et de goudrons brûlés ?

mardi 18 février 2014

Cathay

Voici un article de Wikipedia qui vous dira tout et davantage encore sur les dénominations de la Chine (pour les Occidentaux) ou zhongguo 中国 (pour les chinois).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cathay
Bonne lecture

dimanche 9 février 2014

« ΜΙΚΡΟΝ ἀπὸ τοῦ ἡλίου μετάστηθι. »

Lorsque Alexandre le Grand de passage à Corinthe vint demander à Diogène (dit de Sinope*, ou le Cynique) s'il n'avait besoin de rien, il lui aurait répondu : "Ôte-toi UN PEU du soleil", ce qu'on peut paraphraser par "Laisse passer un peu de la lumière du soleil", ce qui est moins désinvolte que le propos qu'on lui prête d'habitude - "Ote-toi de mon soleil !" - qui ressemble beaucoup aux grossièretés des gamins de mon enfance "Ton père était vitrier ?".
Ceci dit, le respect des puissants et des usages communs n'était pas précisément le fort de Diogène.

Il se serait moqué entre autres de l'idéal de l'homme que décrivait Platon, soit en tenant en plein jour une lampe allumée à la main, ce qui ne manquait pas d'intrigue les passants à qui il donnait comme explication "Je cherche un homme", soit en portant  un coq déplumé et sans ergots, car Platon aurait décrit l'homme comme un bipède sans plumes ni cornes.

Son influence aurait été grande, entre autres auprès de certains stoïciens mais rien ne nous est resté de lui, que quelques anecdotes. Etrange homme dont nous savons si peu de choses et qui a si profondément impressionné les humains jusqu'à nous.

En témoigne la représentation par John William Waterhouse, pourtant peintre de jolies filles du XIXème siècle.


Parmi les philosophes qu'il a inspirés, on compte Peter Sloterdijk et Michel Foucault ; mais la liste pourrait en être bien plus longue.

Je me suis longtemps demandé pourquoi on l'appelait le cynique.
Une première explication viendrait du nom de l 'endroit où enseignait son maître Antisthène, le Cynosarge, le gymnase du chien blanc (traduction incertaine) ; d'autres explications en vrac:

  • indifférent aux usages du monde, le chien mange, copule et dort n'importe où, et va nu-pieds.
  • le chien n'a aucune pudeur ; à son image le cynique ne lui accorde aucune valeur.
  • c'est un bon gardien, et comme lui, le cynique veille sur les principes de sa philosophie.
  • un chien sait distinguer ses amis de ses ennemis ; comme lui le cynique accueille ceux qui peuvent suivre son enseignement et fait fuir les autres.
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* Sinop (autrefois Sinope) est aujourd'hui une ville et un district de Turquie d'Asie sur la mer Noire.






samedi 8 février 2014

Dogme (mot d'origine grecque)

Dogme, mot d'origine grecque, formé à partir du verbe δοκειν - dokein - qui signifie "sembler".
Utilisé ad nauseam (ça c'est du latin) pour qualifier ceux et celles (et oui, je suis macho, je fais passer les mecs d'abord, comme au "restau"*) qui ne partagent pas notre avis et le disent.

Dans l'antiquité grecque, il existait plusieurs écoles philosophiques dont le programme était précisément donné par des dogmes; autrement dit, après réflexion, discussions, disputes, sécession, nouvelles réflexions... les tenants d'une école donnée (les disciples de Platon, Aristote, Epicure, Zénon...) en arrivaient à une formulation qui rencontrait l'assentiment de tous (ou presque), qui avait dans leur esprit la forme suivante : "Il nous semble que..."
Seules quelques écoles en faisaient l'économie : les sceptiques, pour des raisons évidentes (σκεπτω - skeptô : je doute), l'école de Diogène dit le Cynique et une troisième dont le nom m'échappe.


Diogène de Sinope, dit "Le Cynique" (de κυων - κυνος : chien)
(Mais pourquoi diable tient-il une lampe allumée en plein jour ? Pour le savoir, suivez le "blog" !)

Arrivant dans un monde dominé par  la culture grecque (et l'administration romaine) les judéo-chrétiens ont repris le modèle existant et donc élaboré leurs dogmes, comme tout le monde (c'est-à-dire après réflexion, discussions, disputes, sécessions...). L'élaboration d'un dogme prenait parfois de très nombreuses années (jusqu'à 40 ans, me suis-je laissé dire) et ceux qui avaient entamé la réflexion trépassaient souvent avant sa conclusion. Pour en savoir un peu plus sur le sujet, je vous renvoie à Pierre Hadot et à son "Eloge de la philosophie antique".

Dogmatique n'est donc pas synonyme de fasciste, gauchiste, macho, coco...
Autre chose est le dogmatisme qui est l'attachement inconditionnel et irraisonné à ces formulations et la détermination à les imposer par la force.

Il faut croire que "catégorique" et "péremptoire" ont glissé dans l'oubli ou sont tombés en désuétude. Ou que le but recherché n'est pas la précision de la langue.

Pour le plaisir, re-Diogène, par Jordaens, en couleurs



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* Suivant les manuels de savoir-vivre (ne riez pas, il y a encore des gens que ça intéresse), le monsieur entre le premier, choisit une table, offre à la dame une place d'où elle a vue sur la salle, puis lui demande son avis; si elle ne partage pas le choix du monsieur, elle fait part du sien... A la sortie, même topo : le monsieur sort le premier et s'assure que la voie est libre, qu'il ne pleut pas... Des fois, macho ça peut être bien.




Revue (ter... et fin provisoire)

La troisième est arrivée récemment à ma connaissance; c'est comme les deux premières, une revue mensuelle, surtout française par ses centres d'intérêt, mais pas seulement.

C'est la revue Causeur. Deux versions : papier et internet.

Son sous-titre : "Surtout si vous n'êtes pas d'accord !"

Sa "rédac'chef" s'appelle Elisabeth Lévy, ses articles méritent toujours la lecture. Ses collaborateurs viennent d'un peu partout ; leur caractéristique commune : ils ne pensent pas dans les lignes.

La revue ne laisse pas indifférent, c'est peu dire. On y donne toujours la parole à une personnalité qui ne partage pas du tout les idées de la revue ; le numéro de février donne la parole à Dieudonné, qui n'est pas vraiment le genre de la maison. Chapeau bas ! En nous donnant l'occasion de juger sur pièces, Causeur ne nous prend pas pour des demeurés.


Un de ses collaborateurs est Alain Finkielkraut, que j'apprécie depuis que j'écoute Répliques.
Un autre, Basile de Koch, l'époux de Frigide Barjot*,la première égérie du mouvement "La manif pour tous", dont elle aurait été écartée pour d'obscures raisons.

Le belge que je suis, habitué au consensus par tempérament et par culture locale, est déconcerté par le style incisif, la virulence de la plupart des articles et parfois par une pointe de persiflage ; mais de temps en temps je reconnais que ça fait du bien.
Autre caractéristique : la revue colle à l'actualité, à rebours des deux précédentes.

C'est la lecture de Philippe Muray qui m'a mis sur sa piste. Ceux qui le connaissent, comprendront pourquoi j'apprécie cette revue : ses collaborateurs partagent sa vision du monde. Moi aussi.
Bref, c'est une des rares publications qui empêchent de devenir un rhinocéros, tentation sans doute éternelle des humains.
Vous pouvez vous faire une idée de son style sur le site http://www.causeur.fr/ et vous y inscrire pour la lettre bihebdomadaire.
Son prix : 39 € pour la formule électronique, 52 € pour la formule papier, 62 € pour les deux (c'est tout de même moins cher que La Revue Nouvelle et Etudes).

* Frigide Barjot est le nom-calembour (sur Brigitte Bardot) de Virginie Tellenne, née Virginie Merle.

PS : j'apprécierais qu'on n'essaie pas de me mettre dans le tiroir de droite parce que j'apprécie ceux qui osent prendre le risque de sortir des rails. L'empire du bien au nom duquel le monde paraît dirigé m'épouvante, ce que Causeur fait bien sentir à la suite de Philippe Muray (Et en plus, un tiroir c'est vraiment pas confortable).

vendredi 7 février 2014

Revue bis

Cette fois, la revue Etudes, sous-titrée "revue de culture contemporaine" ; à juste titre tant ses champs d'intérêts sont vastes, et ses collaborateurs bien choisis.
En voici les deux jaquettes, l'ancienne à droite, à laquelle a succédé la nouvelle, à gauche, depuis le début de cette année.
Au sommaire : un éditorial, huit articles de fond, et des carnets culturels très fournis, traités avec originalité et compétence.
La revue est ancienne ; elle a été fondée en 1856 par un jésuite, le père Xavier Gagarin, assisté de deux jésuites russes venus de l'orthodoxie, les pères Martinov et Balabine, ainsi que par le père Charles Daniel.

Son but premier était d'éclairer les catholiques français sur les questions orientales puis, reprise par les jésuites de France, elle s'est ouverte à des questions plus générales. Sa liberté de ton et de pensée n'est plus à louer, ce dont témoigne sa vision du pacs, entre autres.
Tous les numéros antérieurs à 2000 sont numérisés et accessibles sur le portail de la BNF, les suivants sont à la disposition des abonnés gratuitement sur le site Cairn, sauf pour les trois dernières années.

Au sommaire du numéro de février 2014:
  • Mandela, l'homme qui ne savait plus pleurer
  • Les Philippines au seuil de l'indignation
  • La conjugalité en Afrique
  • Le tourisme chamanique en Amazonie
  • La gestation pour autrui
  • Insolite ou insolente idée de nature
  • Foi et raison
  • Actualité de Marie Noël
Si la revue est ancienne, elle est toujours à la pointe du progrès, ce que vous pouvez constater en allant sur son site web (http://www.revue-etudes.com/) sur lequel on peut retrouver le contenu des carnets culturels, SANS DEBOURSER UN LIARD.

A lire l'esprit frais et le crayon en main : ce n'est pas du prêt à penser et si vous n'aimez pas être bousculé dans vos convictions, mieux vaut vous abstenir, surtout si vous être avaricieux, pingre, radin et rapiat car l'abonnement n'est pas donné : 104 €. Le contenu justifie largement le prix ; un mois ne suffit pas souvent à en épuiser la lecture et on reprend régulièrement l'un ou l'autre article tant la revue nous donne des clefs pour comprendre ce qui nous arrive.

Une photo des deux derniers "rédacs'chef" 

L'ancien : Pierre de Charentenay, sociologie à Fordham, New-York, et sciences-po à Paris, enseigne maintenant à Manille). 


L'actuel (depuis un an à peine) : François Euvé (théologien et physicien, ancien enseignant à Georgetown)


De grosses pointures pour diriger une grande revue !

Tête d'autruche


Il paraît que les autruches s'enfoncent la tête dans le sable quand elles ont peur ; beaucoup d'humains le font, en tout cas, au moins au figuré, car comment respirer dans le sable, même quand on est une autruche bon teint ?
L'autruche est le plus grand oiseau du monde (2 mètres), le plus lourd (jusqu'à 120 kg), le plus rapide à la course (70 km/h en moyennne, 92 km est le record enregistré, 40 km/h pendant une heure).

C'est - paraît-il - Pline l'Ancien, un scientifique de l'époque qui, dans son Histoire naturelle, lui aurait collé sa réputation de stupidité car, écrit-il, elle enfouit sa tête dans le sable pour ne pas voir le danger. Mais n'est-ce pas encore une de ces fariboles colportées via internet ? A vérifier donc.

La réalité est plus prosaïque : en se penchant de la sorte, elle donnerait l'impression d'être une colline parmi d'autres, ou une termitière ; ou encore, elle escamoterait son cou en l'étendant à l'extrême ; ce serait vrai des jeunes autruches qui se collent au sol pour se confondre avec le sable.
Une autre explication me paraît plus plausible : après la ponte, l'autruche enfouit ses oeufs dans un trou de 30 à 50 cm de profondeur et les retourne régulièrement pour répartir leur exposition au soleil (c'est le mec qui s'y colle) ; son épouse fait le ménage (elle tue les bestioles qui essaient de profiter de l'aubaine) et réarrange les oeufs pour favoriser les siens  et désavantager les autres.
Dernière explication : lors des tempêtes de sable, elle pose la tête au sol et ferme ses oreilles.

Devant le danger, elle court soit pour s'enfuir, soit pour attaquer l'ennemi.
Voici pour terminer, le portrait du grand scientifique à qui l'autruche doit sa réputation, et nous, nos idées reçues. Encore une fois, est-ce bien vrai, tout ça ?


Non, ça c'est l'autruche de Tex Avery ; maintenant Pline l'Ancien, s'il vous plait !

Voilà ! C'est parfait. La suite à plus tard.

jeudi 6 février 2014

3 portraits et rectification

Le blog du 10/01/2014 comportait trois portraits et trois citations.
Il vous était proposé de mettre un nom sous chaque portrait, dans l'ordre, mais les noms ne vous étaient pas donnés, ce qui est bien de ma façon.
Le premier portrait est celui de Georges Bernanos, le deuxième celui de Winston Churchill et le troisième celui de Romain Rolland, mais à tort car la citation en question ("pessimiste par l'intelligence et optimiste par la volonté") est plus souvent attribuée à Antonio Gramsci (1891-1937)...
dont voici le portrait

 On en reparlera

Revues

La première est une revue mensuelle belge; elle existe depuis les années '50, quoique sous un autre nom : c'est La Revue Nouvelle.
Je l'ai découverte pendant mes humanités (on dit maintenant : "enseignement secondaire") parce que l'école qui m'a formé y était abonnée. A l'époque elle m'était étrangère, un peu comme si les gens qui la lisaient appartenaient à une autre race humaine. Et puis aussi les sujets traités me passaient par dessus la tête.
Voici quelques années je l'ai redécouverte, par hasard, en glanant, ce qui est ma méthode favorite.
En voici la couverture


La couverture est plus attirante que dans les années '60, le contenu aussi, ou alors c'est moi qui ai changé, beaucoup.
J'y vois quelques rubriques intéressantes:

  • le mois: où sont abordés avec plus ou moins de profondeur des sujets qui ont retenu l'attention au cours du mois écoulé: les morts de Lampedusa, l'évolution des zapatistes depuis les trente ans que dure le mouvement, les drones et la guerre...
  • un ou deux billets d'humeur, souvent très enlevés, humoristiques, parfois grinçants.
  • un dossier constitué de plusieurs articles de fond.
  • des articles plus brefs, que je ne lis pas toujours.
La Revue Nouvelle - je l'ai appris hier - est assez wallonne, plutôt à gauche, animée par des sociologues (être sociologue et connaître le français courant, c'est sûrement une aporie) et d'inspiration "chrétienne progressiste", tout en étant pluraliste. Ca, c'est vrai, des gens de tous bords y écrivent.
Comme la RN est critique sans vulgarité ni méchanceté, que ses dossiers sont solidement fondés et qu'on n'y pense pas dans les rails, je ne peux que vous la recommander. 85€ par an. Ca les vaut.