samedi 6 août 2016

Les Celtes LC 20160806

Légende de la carte





Torque en or. / Mathieu Rabeau/RMN

Où se sont installés les Celtes ?

On pense que les Celtes étaient, dès le IIIe millénaire (bronze ancien), présents dans les régions où ont été et sont parfois encore parlées les langues celtiques : les îles Britanniques, la Bretagne et la côte atlantique, l’Ibérie. Cette zone correspond à celle de la culture campaniforme, car les sépultures renferment des gobelets céramiques en forme typique de cloche.
Bien plus tard, aux VIe et Ve siècles av. J.-C., les Celtes sont nombreux dans l’arc nord-alpin. Celui-ci s’étend du centre-est de la France (Berry) à la République tchèque et à l’Autriche, et du Rhône aux Pays-Bas, avec une plus grande densité d’habitants entre la Saône et le Rhin. Localisés dans cette grande région interfluve d’où partent les plus grands fleuves d’Europe occidentale et centrale, ils constituent alors des principautés ou « chefferies », à l’instar des principautés ibériques, macédoniennes ou scythes (Ukraine).

Où sont-ils allés ensuite ?

« Entre le Ve et le IIIe siècle, les Celtes se seraient, pour une raison encore inconnue (famine, conflits sociaux ou guerriers, crise économique), déplacés vers le sudet l’est », ajoute Bruno Chaume, archéologue, chargé d’étude au CNRS à l’université de Bourgogne, à Dijon.
C’est alors qu’ils pillent Rome au IVe siècle av. J.-C. (30 000 soldats menés par Brennus), puis Delphes au IIIsiècle av. J.-C. Certains s’installent en Italie du Nord (Celto-Ligures), en Europe centrale au contact des cités macédoniennes et grecques, et jusqu’en Turquie (Galatie). D’autres, plus restreints, sont allés jusqu’en Bulgarie, en Moldavie et même en Ukraine au contact des comptoirs grecs sur les rives de la mer Noire.
« Ils se sont partout mêlés, plus ou moins vite, aux populations locales », assure Patrice Brun, professeur de protohistoire à l’université Paris 1.
Denis Sergent

Les Celtes, Européens sans le savoir



Des découvertes récentes, en France, permettent de mieux connaître ce peuple qui, venu d’Europe occidentale et centrale, a occupé une bonne partie de l’actuel territoire de notre pays. Parmi les Celtes se trouvaient… les Gaulois.

Une cavalerie celte traversant un cours d’eau.
(Illustration de Giuseppe Rava. / Rava/Leemage)

 Qui sont-ils ?

Guerriers aux cheveux longs, en partie nus, portant casque, bouclier, épée et lance en bronze puis en fer, à pied ou à cheval, bruyants et agressifs, un peu à l’instar des Gaulois… Ainsi se représentait-on les Celtes jusque dans les années 1960. Mais les découvertes archéologiques de ces dernières décennies bousculent cette image d’Épinal.
À partir du VIIIe siècle av. J.-C. (début du premier âge du fer ou Hallstatt), en Europe occidentale et centrale, vit une population assez hétérogène, les Celtes. Une multitude de tribus que les Grecs, les Étrusques puis les Romains, qui viennent régulièrement dans cette grande région chercher des matières premières en échange d’objets travaillés, appellent ainsi. Ces Celtes ne possèdent pas d’écriture propre et communiquent essentiellement par oral. La Celtique (keltike en grec) est un espace géographique correspondant à peu près à la Gaule (Gallia en latin) et peuplé, selon les Grecs, de « barbares » – c’est-à-dire d’hommes ne parlant pas le grec – dont les Celtes et, parmi eux, les Gaulois. Mais tous les Celtes ne sont pas des Gaulois. C’est César qui, lors de la conquête des Gaules, décide de n’attaquer que les Celtes situés à l’ouest du Rhin, bien qu’il y en ait aussi à l’est, les Germains occupant le nord. Parmi les 10 millions d’habitants vivant entre Pyrénées, Alpes et Rhin, César estimait qu’il y avait 2 millions de Celtes.
Au XIXe siècle, au moment où de nombreux pays européens cherchent à se démarquer des autres, à trouver une identité propre, plusieurs d’entre eux se sont attribué une origine celtique. C’est le cas de l’Allemagne, à l’instigation notamment de l’archéologue nationaliste Gustav Kossinna, de la France, de la Suisse, de l’Autriche et de la Hongrie.
Un fait historique qui, aujourd’hui encore, fait l’objet d’un vif débat entre archéologues, historiens et anthropologues. Certains spécialistes comme Jean-Louis Brunaux (CNRS-ENS) estiment qu’il s’agit d’une conceptualisation de savants, qu’on ne peut parler de « civilisation celtique » et que le celte n’est pas une langue mère. Bien que classé parmi les langues indo-européennes, le celte serait une langue qui a évolué en réseau, via des échanges commerciaux fréquents et durables, et non pas tel un rameau buissonnant. Devant être compris tant sur la côte atlantique que dans les Alpes, il a dû engendrer de nombreux dialectes. En ce sens, « c’est davantage le partage d’interactions sociales qui font le peuple celte, que la communauté linguistique ou génétique », insiste Patrice Brun, professeur de protohistoire à l’université Paris 1.

D’où viennent-ils ?

L’origine des Celtes est encore très mal connue. Toutefois, il est probable que la civilisation celte émerge en Europe centrale à partir du Xe siècle av. J.-C. (Ier millénaire), à peu près au milieu de la période dite du bronze final. « Il n’y a pas de peuple originel celte, spontané voire autochtone, mais une communauté qui, de façon progressive, produit et partage une même histoire, une même culture et une même langue », explique Dominique Garcia, professeur d’archéologie à l’université Aix-Marseille et président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Les Celtes, donc, s’installent dans l’arc nord-alpin et s’organisent en principautés relativement indépendantes (voir la carte). Ce n’est donc pas encore un peuple bien défini, homogène, structuré politiquement et socialement, et sédentarisé au sein de frontières bien délimitées.
Quelle est leur principale activité ?
À cette époque, c’est une société essentiellement agropastorale et commerciale. Les Celtes élèvent du bétail et des chevaux, cultivent du blé qu’ils stockent dans des silos souterrains et vendent (il existe, au deuxième âge du fer, une monnaie celte) ou échangent avec les Étrusques, les Grecs puis les Romains. Ils maîtrisent la métallurgie et passeront du bronze au fer, plus solide. Ils exploitent des mines (or dans le Morvan, sel gemme à Marsal en Moselle, ou Hallstatt en Autriche) et pratiquent également le trafic d’esclaves. Ils possèdent une armée de fantassins portant cuirasse et bouclier, combattant semi-nus, et de cavaliers montés sur de petits chevaux. Aux IVe et IIIe siècles, ils fournissent des mercenaires qui sont recrutés par les États méditerranéens.
Ils sont installés non loin des comptoirs étrusques ou grecs, le long de grands axes de circulation, de réseaux commerciaux comme la route de l’étain, du plomb ou du cuivre des îles Britanniques vers la Méditerranée, celle de l’ambre depuis la Baltique jusqu’à la Méditerranée, ou bien encore celle du corail du sud vers le nord. Une cohabitation qui se passe bien. « Les Grecs n’avaient pas la volonté de s’installer à la place des Celtes, mais simplement d’assurer la pérennisation de leur approvisionnement en matières premières », poursuit Dominique Garcia.
Se sont-ils distingués par leur production artisanale, architecturale et artistique ?
Aux VI et Ve siècles av. J.-C., les Celtes possédaient des objets artisanaux ou rituels fabriqués par des artisans grecs. Soit ils les leur avaient achetés, soit ces objets correspondaient à des « cadeaux diplomatiques » offerts par les Étrusques ou les Grecs de façon à maintenir de bonnes relations commerciales.
Mais progressivement émerge un art celte, non figuratif. Ainsi, l’œnochoé (cruche) trouvée dans la tombe du prince de Lavau (lire page 5), si elle a bien été fabriquée par des Grecs à l’origine, a ensuite été modifiée (sciage d’une partie du pied, ajout d’un filigrane en or sur la lèvre du vase), probablement pour marquer une appropriation. « Doués en orfèvrerie, les Celtes excellent ensuite dans la fabrication de bijoux en or et en argent, métaux dont ils sont très férus et dont ils exploitent les mines », explique Félicie Fougère, conservatrice au Musée du Pays châtilonnais-Trésor de Vix.
En architecture également, les Celtes se sont progressivement imprégnés de techniques grecques. Ainsi près du Danube, dans le Bade-Wurtemberg, les remparts de la cité fortifiée de la Heuneburg ont été construits selon un plan grec, en employant des briques en terre crue et du bois. À Bourges, au Ve siècle av. J.-C., ils auraient bâti une ville, quatre siècles avant les oppidums celto-gaulois.
Quelle est la place des femmes dans la société celte ?
La société celte repose sur une structure matriarcale. C’est la femme qui choisit son mari. La Dame de Vix est donc censée être détentrice d’un pouvoir très important. Dans un texte, l’historien grec Diodore rappelle l’histoire d’une femme celto-ligure qui accoucha près d’un arbuste ; elle enveloppa son enfant dans des feuillages et retourna travailler, sans que rien ne paraisse. Elle refusa d’arrêter son travail jusqu’à ce que son employeur le lui demande, après lui avoir donné son salaire (IV, 20). Mais cette observation risque bien d’être anecdotique.
Quelle importance les Celtes accordent-ils à la religion et à la mort ?
Leur religion, décrite par César, est caractérisée par de nombreux dieux topiques n’ayant pas apparence humaine et par un clergé, comprenant les druides, extrêmement structuré. On pense que, lors du décès d’un personnage important, certains de ses proches se « sacrifiaient », une pratique se situant aux confins du religieux et du politique. Au vu des tombes aristocratiques, richement décorées, les Celtes semblent manifester un comportement particulier face à la mort de leurs proches. « Mais il y a un réel déficit de découverte de tombes des classes les plus modestes, observe Dominique Garcia. Qu’en est-il du traitement appliqué aux corps des pauvres ? Sont-ils incinérés voire les laisse-t-on se décharner à l’air libre ? »
Pour ce qui concerne la tombe princière de Lavau (lire page 5), le fait d’enterrer un aristocrate dans une grande tombe (espace funéraire de 2 hectares, caveau de 14 m2) surmontée d’un tumulus de 40 mètres de diamètre visible de loin a un sens profondément politique : celui d’affirmer le pouvoir du chef et de marquer son territoire.
Denis Sergent

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