millénaire
(bronze ancien), présents dans les régions où ont été et sont parfois
encore parlées les langues celtiques : les îles Britanniques, la
Bretagne et la côte atlantique, l’Ibérie. Cette zone correspond à celle
de la culture campaniforme, car les sépultures renferment des gobelets
céramiques en forme typique de cloche.
siècles av. J.-C., les Celtes sont nombreux dans l’arc nord-alpin
Celui-ci
s’étend du centre-est de la France (Berry) à la République tchèque et à
l’Autriche, et du Rhône aux Pays-Bas, avec une plus grande densité
d’habitants entre la Saône et le Rhin. Localisés dans cette grande
région interfluve d’où partent les plus grands fleuves d’Europe
occidentale et centrale, ils constituent alors des principautés ou
« chefferies », à l’instar des principautés ibériques, macédoniennes ou
scythes (Ukraine).
», ajoute Bruno Chaume, archéologue, chargé d’étude au CNRS à l’université de Bourgogne, à Dijon.
siècle av. J.-C. (30 000 soldats menés par Brennus), puis Delphes au III
siècle
av. J.-C. Certains s’installent en Italie du Nord (Celto-Ligures), en
Europe centrale au contact des cités macédoniennes et grecques, et
jusqu’en Turquie (Galatie). D’autres, plus restreints, sont allés
jusqu’en Bulgarie, en Moldavie et même en Ukraine au contact des
comptoirs grecs sur les rives de la mer Noire.
», assure Patrice Brun, professeur de protohistoire à l’université Paris 1.
Denis Sergent
Les Celtes, Européens sans le savoir
Des découvertes récentes, en
France, permettent de mieux connaître ce peuple qui, venu d’Europe
occidentale et centrale, a occupé une bonne partie de l’actuel
territoire de notre pays. Parmi les Celtes se trouvaient… les
Gaulois.
Une cavalerie celte traversant un cours d’eau.
(Illustration de Giuseppe Rava. / Rava/Leemage)
Qui sont-ils ?
Guerriers aux
cheveux longs, en partie nus, portant casque, bouclier, épée et lance en
bronze puis en fer, à pied ou à cheval, bruyants et agressifs, un peu à
l’instar des Gaulois… Ainsi se représentait-on les Celtes jusque dans
les années 1960. Mais les découvertes archéologiques de ces dernières
décennies bousculent cette image d’Épinal.
À partir du VIII
e siècle
av. J.-C. (début du premier âge du fer ou Hallstatt), en Europe
occidentale et centrale, vit une population assez hétérogène, les
Celtes. Une multitude de tribus que les Grecs, les Étrusques puis les
Romains, qui viennent régulièrement dans cette grande région chercher
des matières premières en échange d’objets travaillés, appellent ainsi.
Ces Celtes ne possèdent pas d’écriture propre et communiquent
essentiellement par oral. La Celtique (
keltike en grec) est un espace géographique correspondant à peu près à la Gaule (
Gallia en latin) et peuplé, selon les Grecs, de
« barbares »
– c’est-à-dire d’hommes ne parlant pas le grec – dont les Celtes et,
parmi eux, les Gaulois. Mais tous les Celtes ne sont pas des Gaulois.
C’est César qui, lors de la conquête des Gaules, décide de n’attaquer
que les Celtes situés à l’ouest du Rhin, bien qu’il y en ait aussi à
l’est, les Germains occupant le nord. Parmi les 10 millions d’habitants
vivant entre Pyrénées, Alpes et Rhin, César estimait qu’il y avait
2 millions de Celtes.
Au XIX
e siècle, au moment où de
nombreux pays européens cherchent à se démarquer des autres, à trouver
une identité propre, plusieurs d’entre eux se sont attribué une origine
celtique. C’est le cas de l’Allemagne, à l’instigation notamment de
l’archéologue nationaliste Gustav Kossinna, de la France, de la Suisse,
de l’Autriche et de la Hongrie.
Un fait historique qui,
aujourd’hui encore, fait l’objet d’un vif débat entre archéologues,
historiens et anthropologues. Certains spécialistes comme Jean-Louis
Brunaux (CNRS-ENS) estiment qu’il s’agit d’une conceptualisation de
savants, qu’on ne peut parler de
« civilisation celtique » et
que le celte n’est pas une langue mère. Bien que classé parmi les
langues indo-européennes, le celte serait une langue qui a évolué en
réseau, via des échanges commerciaux fréquents et durables, et non pas
tel un rameau buissonnant. Devant être compris tant sur la côte
atlantique que dans les Alpes, il a dû engendrer de nombreux dialectes.
En ce sens,
« c’est davantage le partage d’interactions sociales qui font le peuple celte, que la communauté linguistique ou génétique », insiste Patrice Brun, professeur de protohistoire à l’université Paris 1.
D’où viennent-ils ?
L’origine
des Celtes est encore très mal connue. Toutefois, il est probable que
la civilisation celte émerge en Europe centrale à partir du X
e siècle av. J.-C. (I
er millénaire), à peu près au milieu de la période dite du bronze final.
« Il
n’y a pas de peuple originel celte, spontané voire autochtone, mais une
communauté qui, de façon progressive, produit et partage une même
histoire, une même culture et une même langue », explique Dominique
Garcia, professeur d’archéologie à l’université Aix-Marseille et
président de l’Institut national de recherches archéologiques
préventives (Inrap).
Les Celtes, donc, s’installent dans l’arc nord-alpin et s’organisent en principautés relativement indépendantes
(voir la carte).
Ce n’est donc pas encore un peuple bien défini, homogène, structuré
politiquement et socialement, et sédentarisé au sein de frontières bien
délimitées.
Quelle est leur principale activité ?
À cette
époque, c’est une société essentiellement agropastorale et commerciale.
Les Celtes élèvent du bétail et des chevaux, cultivent du blé qu’ils
stockent dans des silos souterrains et vendent (il existe, au deuxième
âge du fer, une monnaie celte) ou échangent avec les Étrusques, les
Grecs puis les Romains. Ils maîtrisent la métallurgie et passeront du
bronze au fer, plus solide. Ils exploitent des mines (or dans le Morvan,
sel gemme à Marsal en Moselle, ou Hallstatt en Autriche) et pratiquent
également le trafic d’esclaves. Ils possèdent une armée de fantassins
portant cuirasse et bouclier, combattant semi-nus, et de cavaliers
montés sur de petits chevaux. Aux IV
e et III
e siècles, ils fournissent des mercenaires qui sont recrutés par les États méditerranéens.
Ils
sont installés non loin des comptoirs étrusques ou grecs, le long de
grands axes de circulation, de réseaux commerciaux comme la route de
l’étain, du plomb ou du cuivre des îles Britanniques vers la
Méditerranée, celle de l’ambre depuis la Baltique jusqu’à la
Méditerranée, ou bien encore celle du corail du sud vers le nord. Une
cohabitation qui se passe bien.
« Les Grecs n’avaient pas la volonté
de s’installer à la place des Celtes, mais simplement d’assurer la
pérennisation de leur approvisionnement en matières premières », poursuit Dominique Garcia.
Se sont-ils distingués par leur production artisanale, architecturale et artistique ?
Aux VI et V
e siècles av. J.-C.,
les Celtes possédaient des objets artisanaux ou rituels fabriqués par
des artisans grecs. Soit ils les leur avaient achetés, soit ces objets
correspondaient à des
« cadeaux diplomatiques » offerts par les Étrusques ou les Grecs de façon à maintenir de bonnes relations commerciales.
Mais progressivement émerge un art celte, non figuratif. Ainsi, l’œnochoé (cruche) trouvée dans la tombe du prince de Lavau
(lire page 5),
si elle a bien été fabriquée par des Grecs à l’origine, a ensuite été
modifiée (sciage d’une partie du pied, ajout d’un filigrane en or sur la
lèvre du vase), probablement pour marquer une appropriation.
« Doués
en orfèvrerie, les Celtes excellent ensuite dans la fabrication de
bijoux en or et en argent, métaux dont ils sont très férus et dont ils
exploitent les mines », explique Félicie Fougère, conservatrice au Musée du Pays châtilonnais-Trésor de Vix.
En
architecture également, les Celtes se sont progressivement imprégnés de
techniques grecques. Ainsi près du Danube, dans le Bade-Wurtemberg, les
remparts de la cité fortifiée de la Heuneburg ont été construits selon
un plan grec, en employant des briques en terre crue et du bois. À
Bourges, au V
e siècle av. J.-C., ils auraient bâti une ville, quatre siècles avant les oppidums celto-gaulois.
Quelle est la place des femmes dans la société celte ?
La
société celte repose sur une structure matriarcale. C’est la femme qui
choisit son mari. La Dame de Vix est donc censée être détentrice d’un
pouvoir très important. Dans un texte, l’historien grec Diodore rappelle
l’histoire d’une femme celto-ligure qui accoucha près d’un arbuste ;
elle enveloppa son enfant dans des feuillages et retourna travailler,
sans que rien ne paraisse. Elle refusa d’arrêter son travail jusqu’à ce
que son employeur le lui demande, après lui avoir donné son salaire (IV,
20). Mais cette observation risque bien d’être anecdotique.
Quelle importance les Celtes accordent-ils à la religion et à la mort ?
Leur
religion, décrite par César, est caractérisée par de nombreux dieux
topiques n’ayant pas apparence humaine et par un clergé, comprenant les
druides, extrêmement structuré. On pense que, lors du décès d’un
personnage important, certains de ses proches se « sacrifiaient », une
pratique se situant aux confins du religieux et du politique. Au vu des
tombes aristocratiques, richement décorées, les Celtes semblent
manifester un comportement particulier face à la mort de leurs proches.
« Mais il y a un réel déficit de découverte de tombes des classes les plus modestes, observe Dominique Garcia.
Qu’en
est-il du traitement appliqué aux corps des pauvres ? Sont-ils
incinérés voire les laisse-t-on se décharner à l’air libre ? »
Pour ce qui concerne la tombe princière de Lavau
(lire page 5), le fait d’enterrer un aristocrate dans une grande tombe (espace funéraire de 2 hectares, caveau de 14 m
2)
surmontée d’un tumulus de 40 mètres de diamètre visible de loin a un
sens profondément politique : celui d’affirmer le pouvoir du chef et de
marquer son territoire.
Denis Sergent