mardi 27 février 2018

Jean de la Fontaine - La besace

Jupiter  dit un jour: «Que tout ce qui respire
S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur:
Si dans son composé quelqu'un trouve à redire,
            Il peut le déclarer sans peur;
            Je mettrai remède à la chose.
Venez, singe; parlez le premier, et pour cause.
Voyez ces animaux, faites comparaison
            De leurs beautés avec les vôtres.
Etes-vous satisfait? - Moi? dit-il; pourquoi non?
N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres?
Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché;
Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché:
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre."
L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre.
Tant s'en faut: de sa forme il se loua très fort;
Glosa sur l'éléphant, dit qu'on pourrait encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles;
Que c'était une masse informe et sans beauté.
            L'éléphant étant écouté,
Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles:
            Il jugea qu'à son appétit
            Dame baleine était trop grosse.
Dame fourmi trouva le ciron trop petit,
            Se croyant, pour elle, un colosse.
Jupin les renvoya s'étant censurés tous,
Du reste contents  d'eux.
Mais parmi les plus fous
Notre espèce excella; car tout ce que nous sommes,
Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes:
On se voit d'un autre oeil qu'on ne voit son prochain.
            Le fabricateur souverain
Nous créa besaciers  tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui:
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.

lundi 19 février 2018

Extrait du Lévitique, à méditer


Livre du Lévitique 19,1-2.11-18.
Le Seigneur parla à Moïse et dit :
« Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël. Tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint.
Vous ne volerez pas, vous ne mentirez pas, vous ne tromperez aucun de vos compatriotes.
Vous ne ferez pas de faux serments par mon nom : tu profanerais le nom de ton Dieu. Je suis le Seigneur.
Tu n’exploiteras pas ton prochain, tu ne le dépouilleras pas : tu ne retiendras pas jusqu’au matin la paye du salarié.
Tu ne maudiras pas un sourd, tu ne mettras pas d’obstacle devant un aveugle : tu craindras ton Dieu. Je suis le Seigneur.
Quand vous siégerez au tribunal, vous ne commettrez pas d’injustice ; tu n’avantageras pas le faible, tu ne favoriseras pas le puissant : tu jugeras ton compatriote avec justice.
Tu ne répandras pas de calomnies contre quelqu’un de ton peuple, tu ne réclameras pas la mort de ton prochain. Je suis le Seigneur.
Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. Mais tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui.
Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur. » 

mardi 6 février 2018

DS Les plus dfficiles à vivre sont... #Metoo

NU ZEGGEN ZE HET VERDORIE ZELF!

Het is wellicht het belangrijkste sociologisch onderzoek sinds het ontstaan van het sociologisch onderzoek. Nooit eerder werd op een dusdanig onwrikbaar wetenschappelijke manier de ware aard van de vrouw in kaart gebracht, en tegelijk de kloof tussen de seksen beschreven. Dit staaltje research is diepgravender dan het nattevingerwerk over Oedipuscomplexen en penisnijd van Sigmund Freud. Relevanter dan het eerste Kinsey-rapport, onthullender dan het tweede. Veelzeggender dan het verzameld werk van Shere Hite. Schokkender dan alles wat Goedele Liekens ooit aan het papier heeft toevertrouwd. Interessanter als antropologische benchmark dan de verzamelde columns van Bernard Dewulf.
Het zal de geschiedenis ingaan als het Offer-Fischermanifest. Als een mijlpaal. Als de Verklaring. Zodra de ware impact van het Offer-Fischermanifest zich laat gevoelen, zullen we eens lachen om nauwelijks merkbare rimpelingen in het wateroppervlak, genre #Metoo, Equal Pay Day en Moederdag.
Eigenaardig, hoe weinig aandacht dit baanbrekende onderzoek krijgt in de media. Wellicht durven we niet. Nog niet. Door #Metoo, ik begrijp dat wel. Zou het overigens toeval zijn dat de enige Vlaamse krant die erover berichtte, ook de enige Vlaamse krant is met een man als hoofdredacteur? Natuurlijk niet. Het artikeltje in De Standaard werd wel geschreven door een vrouwelijke wetenschapsredacteur. Die het stuk vast met opzet zo kort mogelijk hield. En het ergens achterin de sectie Cultuur & Media verborg. Terwijl die vervelende wetenschapsredactie doorgaans elk stuk, hoe onnozel ook, gaat aanbieden voor de frontsectie van de krant. Voorbeelden zat. Aasvogels gebruiken eenvoudig gereedschap om aan voedsel te komen? Hopla, 100 regels gekwetter op pagina vier. Weer geen water gevonden op Mars? Lul maar heel pagina drie vol, met een teasertje op de voorpagina. Maar: Vrouwelijke familieleden zijn de moeilijkste mensen? Twee miserabele kolommetjes in de catacomben van de krant, tussen de strips, het kruiswoordraadsel en het weerbericht.
U hebt het daardoor wellicht niet zien staan. Shira Offer en Claude Fischer, onderzoekers aan de universiteit van Berkeley in Amerika en Bar-Ilan in Israël, bevroegen meer dan duizend mensen twee jaar lang over hun relaties met andere mensen. Om te achterhalen met wie ze absoluut niet konden opschieten, welke relaties ze als het negatiefst en vervelend ervoeren. Wat bleek? Mensen krijgen vooral het heen-en-weer van hun eigenste familieleden, meer dan van vrienden, kennissen en collega’s. Bovendien, en nu zijn we er, zijn het vooral moeders, zussen, tantes, nichten en echtgenotes die ons in de gordijnen jagen. Nu denkt u: dat krijg je als je vooral mannen ondervraagt. Nee, hoor, meer dan de helft van de ondervraagden waren vrouwen.
Hoe kan dat nu? Shira Offer, zelf duidelijk ook een vervelend mens, probeert de harde waarheid als volgt te verdoezelen, in een wetenschappelijke publicatie: ‘Vrouwelijke familieleden zijn vaak de mensen die zich het meest om je bekommeren.’
Een mooier eufemisme voor ‘ze bemoeien zich werkelijk met álles en zeuren je de oren van je kop’ heb ik nog niet gehoord. #Metoo!

samedi 3 février 2018

LC pour l'article - Souvenir, souvenirs pour moi

Souvenir, souvenirs 


    chronique

    En prison

    Frédéric Boyer
    Appelons-le D. Je l’aimais bien. J’avoue même avoir fait passer à l’extérieur des messages qu’il me confiait. Je l’ai connu au bloc B de la prison de la Santé, à Paris, où je venais deux fois par semaine enseigner la littérature à une petite bande d’étudiants dits « empêchés » selon l’euphémisme cruel de la langue administrative. On y lisait Henri Michaux, Corneille, Flaubert… Des prisonniers de tous les âges, de toutes les sales histoires possibles de l’existence, et d’histoires moins violentes, délicates de profondeur comme issues du grand lac inconnu au fond de chacun. Observez, mes amis, sur vous tous, sur vos habits propres, vous finirez par surprendre deux ou trois petites gouttes de cette eau trouble sortie du lac intérieur – notre conscience. En prison, j’expérimentais que les mots pouvaient nous trahir et que le sens que nous cherchons à communiquer aux autres par les mots se révélait autrement plus difficile à saisir derrière les barreaux. D. avouait drôlement avoir « arraisonné quelques diligences ». Difficile d’avoir plus de précisions sur les horaires et la nature de ces diligences… Ce n’était pas non plus son premier séjour entre les murs. Mais une fois je l’ai vu très mal en point dans sa petite veste noire décousue, boutons arrachés. Une bagarre, des coups, une punition, je n’ai rien pu savoir. Il était exténué mais souriait dans le vague, aimable, comme à l’ordinaire. Et ce jour-là, il est venu me dire simplement qu’il n’en pouvait plus de la promiscuité, de la violence, de l’absence d’air et de soleil, de l’absence surtout de perspective, d’horizon. Et de considération. « Il n’y a plus personne au monde pour moi, m’a-t-il murmuré à l’oreille. Je ne sais pas qui pourrait encore être responsable de moi. » J’ai senti, et j’éprouve encore aujourd’hui près de trente ans plus tard, un coup de honte et de flamme.
    La prison est une chose énorme et difficile à loger dans nos espaces dits de liberté comme dans notre âme, si nous en avons encore une. On voudrait construire davantage de prisons, nous dit-on. Mais on voudrait ne pas en entendre parler. On veut bien qu’il y ait des prisonniers et nécessairement des gardiens de prison. Mais on voudrait ne pas en entendre parler non plus. Or ils parlent, ils se plaignent. Ils disent et révèlent des choses que nous faisons semblant de ne pas voir, de ne pas savoir. Il n’est pas interdit de penser que notre société tient à ce déni. Nos prisons nous ressemblent. Et c’est ce vis-à-vis avec notre propre humanité qui nous fait peur au point que, traumatisés, nous cherchons à savoir et à ne pas savoir. Enfermer pour ne plus voir, ne plus entendre ce qui nous embarrasse de cette humanité trouble, notre humanité, c’est immanquablement être confronté un jour ou l’autre à notre propre irresponsabilité, à notre propre cruauté. Car être humain, c’est aussi accepter de considérer loyalement l’erreur, la violence, les illusions, les mensonges, la détresse et le crime. C’est refuser qu’il puisse y avoir des vies indignes, des vies fantômes sans espoir. On me dit : mais nous ne pouvons prendre le risque d’être faible face à la volonté de nuire de certains. Sans doute. Mais cela ne suffira jamais à nous rendre la paix. Est-il besoin de dire que nulle justice n’apaisera nos souffrances par un déni d’humanité ? Oh nous préférons souvent réduire notre responsabilité à l’égard d’autrui à des procédures disculpabilisantes, techniciennes, à des stratégies d’abandon ou d’esquive. Le coût réel de notre errance devant l’erreur, la terreur et le mal n’est jamais calculé. La question, mes amis, n’est pas ici de nier à la société son droit de juger ni celui d’embastiller, mais bien de comprendre qu’une société digne d’elle-même est une société qui devrait se sentir d’autant plus responsable de l’autre qu’elle l’aura jugé et embastillé selon ses lois. Si le droit cesse derrière les murs des prisons, il n’y aura plus de droit du tout entre nous. Oui, nous sommes d’autant plus responsables d’autrui que nous avons exercé sur lui notre droit de le juger et de le punir. Notre première responsabilité envers lui est de ne pas l’abandonner à son seul châtiment et de préserver comme une promesse ce qui peut advenir encore, au-delà des barreaux et de la peine. Notre société ne sait plus ni où ni comment écrire le rappel à la solidarité absolue qui nous lie à tout être humain, jusqu’à celui, et peut-être prioritairement, que nous avons enfermé et condamné.
    D. a été libéré il n’y a pas si longtemps. Je l’ai revu ces jours derniers. Nous avons pris un verre de vin ensemble pas loin de la place Clichy. Pas besoin de lui parler du passé. Il m’a serré dans ses bras avant de poser sur moi son regard froidement indulgent, à peine apitoyé, et s’attendant vaguement au pire. Moi, silencieusement, je me suis souvenu de cette question de saint Augustin : « Où et quand ai-je été dans l’innocence ? »

    10.000 pas par jour ?

    Depuis 1968, date des JO de Tokyo, on raconte d'abord au Japon puis partout dans le monde qu'il faut faire 10.000 pas par jour. Je viens de trouver pourquoi, grâce à mes souvenirs et à un article du Standaard.
    En effet, une firme japonaise a mis sur le marché, à grand renfort de publicité, un petit machin (c'est une des traductions proposées comme synonyme de "gadget") qui compte les pas. Rien d'électronique ; c'est le balancement de la marche qui par un procédé mécanique fait progresser le compteur.
    M. Kamigaïto en avait un à son arrivée en Belgique.
    Voici l'annonce
    Pour celles et ceux qui ne lisent pas encore le japonais, l'appareil s'appelle : 万歩計, ce qui se prononce : MAN PO KEI, et se traduit : mesure (kei) - 10.000 (man) - pas (ho).

    Ainsi est né ce bruit, presque un canular, qui circule encore, au grand dam des scientifiques et surtout de nous tous qui n'arrivons jamais à ces damnés 10.000 pas qu'on ne peut faire en moins de deux heures, à moins de courir.
    On est actuellement moins exigeant : marcher dix minutes toutes les 90 minutes semblent faire l'affaire, ou aussi 30 minutes de marche rapide.

    LC 20180203 Non à la chasse (aux sorcières) - par Geneviève Jurgensen



    Non à la chasse (aux sorcières)

    Geneviève Jurgensen
    Casey Affleck a 42 ans, trois grands enfants, et le cinéma c’est sa vie. Bien sûr il a aussi d’autres engagements, comme la défense des animaux, depuis des décennies. Mais sa vie, c’est le cinéma, qui est aussi la vie de son frère, de son beau-frère, de tous ceux qui l’entourent. Parcourir l’une ou l’autre de ses notices biographiques rédigées en langue anglaise, c’est découvrir une enfance compliquée, comme celle de beaucoup de ces enfants dont le talent, avant de s’enflammer, se forge douloureusement sur un brasier intime.
    Casey Affleck, pas si connu en France, figure pourtant au générique de certains des plus beaux films de ces vingt dernières années, dont l’un lui valut, il y a un an, de recevoir à Hollywood l’Oscar du meilleur acteur. À ceux qui l’applaudissaient, dont beaucoup debout, il a lancé : « Je suis vraiment fier d’être l’un d’entre vous. » Mais dans ce ­Hollywood qui tient sa force et sa légitimité tant de ses génies dans tous les domaines du cinéma (même des Nobel de littérature comme l’Islandais Halldór Laxness ou l’Américain William Faulkner y signèrent des scénarios !) que de sa façon unique d’honorer la profession et d’en cultiver les traditions, une exception sera faite le 4 mars prochain, jour de la remise des Oscars 2018. L’usage qui veut que le meilleur acteur de l’année précédente remette la récompense à la meilleure actrice de l’année suivante ne vaudra pas pour Casey Affleck, acclamé hier, persona non grata aujourd’hui. Entre-temps il y eut l’affaire Weinstein, une affaire terrible, portée à la connaissance du public par des enquêtes journalistiques de longue haleine, une affaire qui aurait pu être salutaire mais au lieu de cela, soixante-dix ans après la chasse aux sorcières, en a ouvert une nouvelle saison, pire que la précédente.
    Pire ? Oui, notamment parce que cette fois, le chasseur n’est pas identifiable. La traque des communistes à Hollywood fut menée il y a soixante-dix ans par une commission d’investigation sur les activités anti-américaines et par le FBI. La traque des délinquants sexuels est menée par n’importe qui. Comment s’organiser contre un sport qui ne connaît aucune règle, au point que son but paraît souvent être la destruction de l’individu plutôt que la défense d’une cause juste ? La proie peut être accusée de faits datant de plusieurs décennies, variant jusqu’au vertige sur l’échelle de gravité, invérifiables, ayant même parfois, quand la justice s’y intéressa, abouti à l’acquittement de l’accusé, à l’abandon des poursuites, ou comme c’est le cas pour Casey Affleck, à un arrangement à l’amiable. Mais rien n’éteint l’action de ces millions de procureurs auto-générés. Et enfin il y a le terrain de chasse. Celui de la chasse aux communistes était national, celui de la chasse aux « porcs », comme hélas on dit en France, est sans frontières.
    Nul, dans l’Académie des Oscars, ne se soucie de ce que Casey Affleck a fait ou pas à des femmes pendant des tournages, et de ce qu’il va devenir, maintenant qu’il est rejeté. La seule loi des académiciens est celle du moindre ennui. Leur amour du 7e art, si brillamment proclamé à chaque cérémonie, n’ira pas jusqu’à leur inspirer un sursaut d’honneur. N’ont-ils laissé s’exiler des Charlie Chaplin, des Jules Dassin, des Joseph Losey à qui ils devaient tant ? Hollywood ne s’en est-il remis ? La saison de nos modestes Césars a commencé cette semaine avec les nominations. D’ici à la remise des prix, à la fin du mois, que les votants trouvent en eux le minimum de courage nécessaire pour s’en tenir à juger le cinéma, leur seul domaine de compétence, et laisser à la justice la tâche de juger les hommes. Ceux qui se croient à l’abri, ou estiment que la cause des femmes justifie la chasse à l’homme, oublient que les causes changent, et les proies avec. À qui le tour ?
    Un mot pour finir, qui n’a rien à voir. Comme dans certains quartiers, on parle de « voisins vigilants », j’ai l’honneur d’avoir des lecteurs vigilants. L’un d’eux m’a fait remarquer que, contrairement à ce que j’écrivais la semaine dernière, l’École nationale d’administration pénitentiaire défilait depuis peu sur les Champs-Élysées le 14-Juillet. Je me réjouis de cette évolution, et je recommande le visionnage du reportage sur le premier défilé, en 2016 (1). En neuf minutes, on y voit le personnel de demain présenter son plus beau visage, et ça fait du bien.