Franck Riboud passe la main chez Danone
Jean-Claude BourbonEmmanuel Faber, l’actuel directeur général, devient PDG. C’est malgré tout la fin d’une époque.
Le passage de témoin demeure assez symbolique, mais c’est malgré tout la fin d’une époque chez Danone. Franck Riboud a annoncé hier son départ de la présidence du conseil d’administration du groupe, dont il avait laissé les rênes opérationnelles en 2014 à Emmanuel Faber, l’actuel directeur général, qui devient PDG.
Son mandat courait jusqu’à l’assemblée générale du printemps 2019, mais Franck Riboud, qui aura 62 ans en décembre et peut faire valoir ses droits à la retraite à cette date, a préféré laisser le champ totalement libre. « En cette période un peu troublée, il lui semble plus pertinent que l’incarnation et les pouvoirs chez Danone soit confié à une seule personne », souligne un de ses proches. Franck Riboud sera président d’honneur et reste administrateur.C’est une page qui se tourne, tant l’histoire de Danone est liée à celle de la famille Riboud et notamment Antoine, le père de Franck, qui a construit les premières fondations du groupe. En 1969, juste après l’échec de son OPA sur Saint-Gobain, le PDG du verrier BSN choisit de se tourner vers les contenus, en rachetant Evian, Blédina, les bières Kronenbourg et Kanterbrau. En 1972, c’est la fusion avec Gervais-Danone, le numéro un européen des produits laitiers.
En moins d’un quart de siècle, à coup d’acquisitions, l’ensemble devient un géant de l’agroalimentaire. En 1994, il est rebaptisé Danone et en 1996, Franck Riboud prend les commandes.
Le nouveau patron pousse encore plus en avant l’internationalisation de l’entreprise et surtout la recentre progressivement sur quatre grands métiers (l’eau, les produits laitiers frais, la nutrition infantile et la nutrition médicale). Avec un seul fil conducteur : apporter la santé au plus grand nombre par l’alimentation. Un virage stratégique que Franck Riboud aura été le premier à entreprendre dans le secteur, parfaitement dans l’air du temps aujourd’hui.
En vingt ans, il aura ainsi doublé le chiffre d’affaires de Danone, tout en ayant cédé les trois quarts des activités achetées par son père, comme l’épicerie (Amora, Maille, Liebig, Galbani…), les bières, la confiserie (Vandamme, Lu, La Pie qui chante…), ou encore le champagne Lanson.
Danone n’a jamais été une entreprise familiale, au sens capitalistique du terme, mais la dynamique insufflée par les Riboud, père et fils, en ont fait un groupe à la culture particulière. En 1972, lors des assises du patronat à Marseille, Antoine Riboud appelle ses pairs à « réduire les inégalités excessives en matière de conditions de vie et de travail et à répondre aux aspirations profondes de l’homme ».
Selon lui,un chef d’entreprise doit veiller à « la réalisation des objectifs économiques vis-à-vis des actionnaires et de l’environnement » mais également à « la réalisation des objectifs humains et sociaux vis-à-vis de son personnel ». Antoine Riboud reçoit un accueil poli. Chez Danone, c’est la naissance du double projet économique et social.
Près d’un demi-siècle plus tard, cette « marque de fabrique » perdure dans l’entreprise, qui a mis en place des politiques sociales aux standards plutôt élevés dans tous les pays où elle est implantée. Mais comme tous les grands groupes, Danone a dû s’adapter aux politiques de réduction de coûts et a connu quelques accrocs, comme au début des années 2000, la fermeture des usines Lu, qui ont brouillé un temps son image dans l’Hexagone.
Avec Franck Riboud puis Emmanuel Faber, Danone reste malgré tout un terreau d’innovations sociales. Le groupe a été un des premiers à créer un incubateur d’entreprises sociales (Danone Communities) ainsi qu’un fonds pour la sauvegarde de l’écosystème, doté de 100 millions d’euros. Au Bangladesh, Danone vend des yaourts à bas prix pour lutter contre la malnutrition.
Aux États-Unis, où il a racheté l’an dernier WhiteWave, un spécialiste du bio, pour 11 milliards d’euros, Danone a organisé ses activités sous le statut « d’entreprise à bénéfice public », comme 4 500 autres dans le pays.
Cette politique porte ses fruits. En Bourse, l’action a atteint hier son plus haut historique. Pour une entreprise dont le capital est à 80 % entre les mains de fonds d’investissement, ce n’est pas anecdotique mais central. Plus elle pèse lourd (48 milliards d’euros au cours actuel), moins elle est susceptible de faire l’objet d’une OPA, comme le laissent entendre des rumeurs récurrentes depuis des années…
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