samedi 2 septembre 2017

Penser c'est

" Penser c'est
un geste retenu,
une parole ravalée"
Alexander Bain
 cité par Pierre Bergounioux

Un entretien avec Pierre Bergounioux, par Tristan Hordé

À l’occasion de la publication par les éditions Verdier du Carnet de notes 1990-2000 et des Forges de Syam de Pierre Bergounioux*, Poezibao publie, en trois parties et sur trois jours, un entretien avec Tristan Hordé, réalisé le 10 octobre 2006, à propos du Carnet de notes 1980-1990 et de École : mission accomplie**.

Tristan Hordé : Quelque chose est présent dans le Carnet de notes, obsédant, une attention très forte à la maladie et à la mort.

Pierre Bergounioux : Ce sont les assidues compagnes qui donnent à notre vie sa « saveur mortelle », comme disait Merleau-Ponty. Il arrive qu’elles vaquent au loin, hors de vue, comme aux confins de l’oubli puis elles se rapprochent brusquement, se font pressantes. À cela, il y a une raison toute simple, qui est le progrès de l’âge. Nos parents sont partis. Nous sommes désormais en première ligne. Les accidents frappent au hasard et emportent des proches qui n’avaient pas eu leur jour. Enfin, on constate, sur soi, les signes de l’usure et du délabrement. Je me rappelle la définition que Bichat, prématurément disparu, donnait de la vie : « l’ensemble des forces qui résistent à la mort ». Je mesure, comme chacun, la puissance de l’adversaire, la précarité de notre séjour de ce côté-ci de la tombe.

T.H. Il n’ s’agit pas d’adversaire ni de puissances...

P.B. On peut bien les appeler ainsi. Ils font partie du jeu mortel auquel nous avons été conviés sans consultation préalable. C’est eux qui fixent le terme, plus ou moins prédictible, de la partie, la règle, l’importance de la mise. Nous apportons l’intérêt, le tremblement qui en est la modalité subjective.

T.H. La nosophobie est venue à cause de ton phlegmon, bien avant que tu n’entames le Carnet de notes, en 1980.

P.B. Au nombre des privilèges négatifs que j’ai touchés, il y a une affection congénitale, chronique – un reliquat du stade fœtal – dont je me suis d’emblée et continuellement ressenti. Pas de jour, d’instant que je ne m’assure que la bête griffue qui est tapie dans ma gorge n’est pas pour quitter son repaire. J’ai fréquenté tôt et régulièrement les hôpitaux, compris assez vite que je serais sujet à des récidives dont l’ombre s’étendait, par anticipation, sur les périodes de rémission. Parmi mes premiers souvenirs, j’ai l’image, brouillée de larmes, d’un chirurgien masqué qui s’apprête à m’enfoncer un trocart dans le cou. Je respire l’odeur glaciale, bleutée de l’éther.

T.H. Cela n’apparaît jamais dans tes textes. On trouve cette nosophobie dans le Carnet et on se demande quand cela commence.

P.B. Avec la vie puisque le mal l’accompagne. Une ombre menaçante m’escorte. Parfois, sa main dure, incandescente me prend à la gorge, l’enflamme ou, inexplicablement, retombe. Je ne sais jamais ce qui m’attend, si j’échapperai ou s’il faudra subir. La douleur est mal supportable. Autre souvenir archaïque : le visage inquiet de mes parents tourné vers moi, où je découvre, comme en un miroir grossissant, que je suis menacé.

T.H. C’est cela qui a décidé de ton insatiable curiosité ?

P. B. Elle est peut-être un autre nom de l’inquiétude. Un péril invisible, imprévisible rôdait dans la nuit du corps. Nulle précaution ne me mettait à l’abri. À une certaine époque, entre vingt-deux et vingt-sept ans, le mal a pris un caractère aigu, galopant, qui m’a fait craindre de n’y pas résister.

T. H. En fait, c’est la proximité de la mort qui a engagé beaucoup de choses, pour toi.

P. B. Nous avons vécu dans une constante familiarité. Je l’ai associée, tout naturellement, à mes diverses occupations. Elle leur a conféré une allure tranchée, un extrémisme dont je me serais volontiers dispensé, l’éventualité de la destruction, ses cuisants prodromes étant associés au simple fait de vivre. Bourdieu m’a dit, un jour, que « poser la bonne question, pour ce qui le concernait, avait été une affaire de vie ou de mort ». Il m’a raconté qu’il interrogeait un informateur kabyle sur le système matrimonial, les alliances, la cousine croisée, etc. Son interlocuteur se baisse pour ramasser je ne sais quoi et Bourdieu entrevoit, dans l’échancrure de la djellaba, le pistolet-mitrailleur accroché à l’épaule par un bout de chambre à air. Il a poursuivi l’entretien, comme si de rien n’était.
Le commerce ininterrompu, brutal que j’ai dû soutenir, dès le début, avec la dame en noir, s’est étendu au restant de mes occupations. Elles se présentent invariablement comme une alternative dont les termes sont toujours les mêmes. Il faut l’emporter ou périr. Lorsque, à dix-sept ans, j’ai découvert la possibilité de comprendre quelque chose à ce qui, jusqu’alors, m’avait paru impénétrable et, par suite, désespérant, mon premier mouvement a été de me transporter, en pensée, sur mon lit de mort dressé, pour le coup, au seuil de la soixantaine. J’ai considéré, de ce point de vue rétrospectif que j’avais adopté, par anticipation, le temps dont je disposais pour dissiper quelques vastes mystères. J’ai décrété qu’en perdre une minute serait dorénavant tenu pour un crime capital. Je me suis conformé à cette législation scélérate. Le vieux monsieur que je suis devenu reçoit toujours avec une aveugle soumission l’injonction qu’un morveux de dix-sept ans lui adresse du fond du temps. Mais ça ne me coûte guère. Dominant de la tête et des épaules l’armée des travaux et des peines, des fatigues et des déconvenues, il y a le spectre dont la main osseuse n’a jamais lâché la mienne.

T.H. C’est une curiosité qui n’a pas de fin.

P.B. Évidemment non. La partie est perdue d’avance. Toute réflexion perçoit l’énormité des ténèbres qui environnent sa lueur fugace – « brief candle », dit Shakespeare par la bouche de Macbeth –, l’inégalité profonde la psyché à la physis. Mais on n’a pas le choix de l’heure ni du terrain ni de rien. Et puisque je suis en veine de citations, je pense encore à un mot que Faulkner prête à un cavalier sudiste s’adressant à son colonel, aux Enfers, où ils sont réunis : « Ils nous ont peut-être bien tués, Col’nel, mais ils nous ont pas battus ». On peut désirer y voir clair, exercer la part de liberté, si mince soit-elle, qui nous revient. C’est le dessein que j’ai formé, il y a très longtemps, et les jours, les années suivants, je les ai passés à y travailler. J’aurai fait ce qui dépendait de moi. L’issue ne m’appartient pas.

T.H. Ce qui explique que tu puisses considérer comme médiocre ce que tu écris, que tu dises : « Ce n’est pas ça ».

P.B. Voilà. J’ai fait ce que j’ai pu. Le résultat auquel je suis parvenu n’est pas celui que j’escomptais. Je n’avais ni la force ni l’intelligence qu’il fallait pour résoudre l’énigme, me porter, en pensée, à la hauteur des choses auxquelles j’ai été confronté. Ou alors c’est le désenchantement consécutif à la révélation, la réalité – la seule, dit Proust, celle que nous avons pensée – qui me dicte ce triste constat. À moins, enfin, que ce ne soit l’objet, la vieille Corrèze, l’enclave hirsute, cabossée, retardataire, triste dont ma cervelle, et mon cœur, ont reçu l’empreinte en creux et dont j’ai essayé de comprendre les maléfices, pour m’en déprendre.

T.H. Ce n’est pas propre à cette région. Cela a été la même chose dans l’ensemble du monde rural.

P.B. Sans doute. Mais c’est là que je l’ai éprouvé. Ce qui ajoutait à sa rigueur, à sa cruauté, c’était le contraste, par exemple, avec l’opulente Aquitaine et le Midi prochain. Nous étions encore et pour longtemps ensevelis dans l’ombre froide, pluvieuse, mérovingienne de nos vallons que tel hobereau du Périgord voisin s’éveillait, vers 1550, à la conscience de soi et de l’universel, dont il remplissait les trois livres de ses Essais. Mais ses pensées avaient pour fondement des terres fertiles, prodigues de bonnes choses. Montaigne confesse que, de nature « gloute », il se mord parfois les doigts en mangeant, de « hastiveté ».

T.H. Il est intéressant de voir que ce que tu reconstitues, dans tes récits, ce n’est pas la lignée, c’est tout à fait autre chose.

P.B. Nos courtes personnes, nos lignées filiformes ne sont que les spécifications individuelles, trans-générationnelles d’un destin collectif, celui, en l’occurrence, des populations de la périphérie. Elles sont restées étrangères jusqu’au XXe siècle aux deux acquisitions majeures des Temps Modernes, qui sont les Lumières et l’abondance. L’Europe entière était acquise à la production en vue du marché, à la raison, à la langue française que nous jargonnions toujours un dialecte inchangé depuis l’an mille, sur les « mauvaises terres » de l’économie politique. Les catégories de pensées qui gouvernent l’action rationnelle, le projet de liberté dont elles sont les instruments, nous restaient inaccessibles parce que nous parlions patois, n’avions pas d’argent pour nous procurer des livres, le minimum de loisir, de recul qui permet d’étudier, de choisir, de changer, de devenir contemporain de soi-même et du monde.
Michelet dit que l’histoire se ramène, d’abord, à la géographie. C’est la fixité de la terre, l’obstacle du relief, le travail écrasant, les routines, l ‘ « idiotie rurale » (Marx). L’éveil de l’histoire, c’est, outre l’écriture, le mouvement, la découverte, l’échange, l’entrée dans une durée linéaire, inventive, après celle, cyclique, immobile, des sociétés agraires auto-subsistantes. Si l’ontogenèse récapitule la phylogenèse, j’ai contracté, dans les premières années de ma vie, les usages et les vues qui avaient cours, depuis vingt siècles, sur la frange plissée, pauvre, anachronique du Bas Limousin.
Tristan Hordé : Donc, comme tu l’as souvent dit, connaître cette expérience supposait l’exil.

Pierre Bergounioux : C’est le prix à payer. Partir, c’est mourir. On voit autre chose, autrement. On se détache de la communauté dont on avait adopté spontanément les procédés - l’Urdoxa, l’Urglaube de Husserl.

T.H. Faire des études, c’est redoubler l’exil.

P.B. Oui, c’est porter dans le deuxième registre, mental, de l’humaine condition, le déplacement tout physique du corps auquel notre âme « est indissolublement jointe ». Les deux opérations ne sont pas nécessairement liées. Ce fut, par exemple, la migration saisonnière des maçons creusois qui, dès la Renaissance, vont s’employer, à la morte-saison, dans le bâtiment, à Paris et regagnent leurs guérets pour les semailles et les moissons. Ils ont édifié la Sorbonne et, en 1900, ils creusaient encore, si l’on peut ainsi parler, les galeries du métro. Mais cet exil était temporaire, donc sans effet. Le revenu qu’ils en tiraient s’ajoutait à celui de leur petite propriété. Ils partaient en bandes, se regroupaient dans les mêmes galetas, travaillaient comme des esclaves, n’avaient pas de rapport avec les indigènes au parler pointu qu’ils croisaient dans les rues. Ce compromis tranché entre la campagne et la grande cité, le travail de la terre en faire-valoir direct et le salariat ouvrier, la culture – ou l’inculture – rustique et l’esprit supérieurement délié de la capitale, a duré longtemps. Et puis le pays s’est engagé dans la modernisation. Ce fut la fin des terroirs. La génération de l’après-guerre, à laquelle j’appartiens, a pris à son tour le chemin de la ville mais ce fut pour s’y établir et n’en plus revenir. Plus question, alors, de garder ses distances, de rester soi-même, fermé, fidèle illettré, grégaire et peu coiffé, dans le quatorzième arrondissement, au sud de Paris, pour se sentir moins loin de sa petite patrie. Si c’est le restant de notre âge que nous devions passer sur cet illustre pavé, parmi des étrangers, il fallait en apprendre le langage, les usages, s’intégrer, comme on dit. C’est ce que j’ai fait.

T.H. À partir du moment où tu écris, comme tu as commencé à le faire dans les années soixante-dix, que tu sois le fils de tel ou tel, il va y avoir un exil par rapport à d’autres. L’écriture exile.

P.B. Toute conscience est exil. La définition la plus rigoureuse de la pensée est celle, entièrement négative, qu’en a donnée le physiologiste Alexander Bain : « Un geste retenu, une parole ravalée ». Le seul fait de s’établir à part, seul, silencieux, est déjà un acte dissident. On s’exclut de la communauté parlante. On la constitue, par le fait, en objet. Ce dont on participait devient extérieur, étranger. Et alors, on voit, on juge ce qui nous échappait parce qu’on le vivait. Écrire, c’est porter sur le papier nos pensées, leur conférer cette précision, cette cohérence auxquelles l’écriture, seule, permet de parvenir. Chacun, désormais, peut s’adonner, pour son compte propre, à la magie inventée, voilà cinq mille ans, du côté de Sumer et d’Akkad, voir, de ses yeux, les choses immatérielles dont il est obscurément le siège et la source. Mais pareil spectacle a un prix. C’est la sécession, l’absence au monde, la mélancolie. L’existence ne souffre peut-être pas la clarté que la conscience peut y jeter. Elle est colorée d’affects, drue, flottante, entraînante et, comme telle, tolérable. Y faire plus précisément réflexion, c’est se mettre hors jeu, entrer dans le vide et l’absence, « le sombre », dit Hegel, de la pensée. Et rien n’est moins assuré, avec ça, que nous comprenions vraiment de quoi il retournait.

T.H. On en revient à : « Ce n’est pas ça ».

P.B. C’est la clause inique que les dieux jaloux, la marâtre nature ont apposée au bas du papier. La liaison entre l’expérience et l’expression est indéterminée. Notre sens nous fuit. Nous croyons qu’il s’est passé une chose et c’est une autre qui a eu lieu. Celui pour qui nous nous prenons n’est pas celui que nous imaginons. Nous pensons d’un côté, vivons de l’autre et rien ne garantit que nos persévérants efforts pour accorder ces deux ordres, ou ces deux désordres, ait la moindre chance de succès. On est d’autant plus justifié à en douter que l’on quitte le ciel des essences pour le sol raboteux de l’existence. La caractéristique première de mon expérience, c’est sa relégation périphérique, le silence stuporeux assorti aux départements ruraux les plus pauvres. Le monde, du moins en France, existe deux fois, en tant que tel et puis dans le reflet que lui a tendu la littérature. Seulement, ce reflet est déformant, lacunaire. Depuis cinq siècles qu’elle accompagne notre aventure, la littérature n’a retenu des hommes, des endroits, que ceux qui étaient puissants, centraux, dominants, les autres dédaignés, oubliés. Qu’ils appartiennent à la noblesse ou à la bourgeoisie, qu’ils vivent de leurs rentes ou soient pensionnés par le roi, les écrivains, successivement, tendent un complaisant miroir à l’aristocratie de cour, relatent les initiatives des capitaines d’industrie, des financiers, des ambitieux qui sont devenus les nouveaux maîtres, après la Révolution, dans les rues, les bureaux, les boudoirs de la grande ville.
Leroi-Gourhan, dans Le Geste et la parole, a reproduit la projection cérébrale de la machine corporelle. L’homme, à son insu, porte, gravé dans son cortex, un double proprement monstrueux, un gnome au corps atrophié, main exceptée, au visage énorme, aux lèvres distendues, les organes de la phonation, larynx et pharynx, arrachés, projetés hors de lui, en avant. La littérature ressemble à cette figure secrète, directrice. La partie du corps social qui produit, aux champs, à l’usine, à l’écart, est représentée, lorsqu’elle l’est, de façon tronquée, grotesque. Ses simplicités, sa brutalité, ses dialectes servent de repoussoir aux manières orthodoxes de penser, de vouloir, de parler. Ils font rire. Ce sont l’ « escholier lymosin » et Pourceaugnac, deux de mes lointains compatriotes, George Dandin, les animaux noircis par le soleil que La Bruyère feint de voir, courbés sur le sillon, les paysans rapaces de Balzac, les rustres de Zola.
Lorsqu’on élève la prétention légèrement criminelle de reprendre son sens des mains de la caste étroite, hautaine qui en a eu le monopole dès l’origine, il faut d’abord se rappeler quelle elle fut et ce qu’elle a dit – quand elle ne l’a pas tu – de ceux en qui nous avons eu nos vies antérieures, été, dans la grande temporalité.
Nous sommes les premiers parce que nous sommes les derniers. La société agraire traditionnelle est morte lorsque nous commencions à respirer. Nous avons bénéficié du premier des biens, qui est le loisir studieux, fréquenté l’école, consulté des livres dont nul, dans nos lignées, ne soupçonnait l’existence, quitté les cantons perdus qui limitaient, depuis la nuit des âges, notre horizon. Nous nous sommes enhardis à balbutier ce qui nous concernait, au lieu d’en abandonner le soin à des tiers qui avaient l’usage du français, du beau langage mais qui, par la force des choses, ne savaient pas de quoi ils parlaient, n’ayant jamais quitté leur bureau, leur salon, les beaux quartiers.
Nous sommes des tard-venus dans l’univers second, facultatif, limpide, infiniment précieux qui se trouve compris entre les plats de couverture des livres. Nous avons contre nous le passé, les personnages, les objets, les endroits que la littérature a répertoriés, l’avorton dont les organes phonatoires, comme sur l’image corticale, sont extérieurs au corps. L’histoire du monde, qui est celle de la lutte des classes, condamne en principe les gens de ma sorte au silence ou alors au roman régionaliste, à la célébration mystifiée, désuète, d’un mode de production révolu, avec son folklore, sa fausseté. J’ai une certitude négative : « Ce n’est pas ça ». Quant à savoir ce que c’est, la question est ouverte et le risque de se méprendre vertigineux. C’est pour ça, peut-être, qu’on n’est pas gras. Sinon, nous serions charnus et reluisants, contents de nous-mêmes et de tout.

T.H. Nous fabriquons notre corps…

P.B. Ni plus ni moins que notre esprit. Le compère matériel, la « statue de terre », est, comme nos travaux, nos pensées, notre espérance, de l’histoire faite chair. Michelet l’a senti profondément, écrit merveilleusement. Du duc Victor-Emmanuel, il dit qu’il était « bossu de Savoie, ventru de Piémont », du roi d’Espagne Philippe II qu’à la fin, il devenait velu, il lui poussait des griffes.
©Pierre Bergounioux et Tristan Hordé, photo de Pierre Bergounioux, ©Chantal Tanet

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