20 mars 1602
Les Hollandais fondent la VOC... et se lancent à la conquête du monde
Le 20 mars 1602, les marchands hollandais fondent une compagnie appelée Verenigde Oost Indische Compagnie avec l'objectif de commercer avec les Indes orientales, c'est-dire les pays de l'océan Indien et de l'Insulinde. Elle se fera très vite connaître du monde entier sous son sigle VOC, qui signifie Compagnie des Indes Orientales.
Sa fondation marque le début d'une extraordinaire épopée qui va donner naissance au deuxième empire colonial du monde après l'empire britannique (en termes de richesse).
Camille Vignolle
Défi de David à Goliath
Quelques années plus tôt, en 1579, les Provinces-Unies ont gagné leur indépendance au terme d'une éprouvante guerre contre Philippe II de Habsbourg, roi d'Espagne, leur souverain.
Les Hollandais ne veulent plus passer par Lisbonne et Séville pour acquérir les marchandises d'outre-mer qu'ils redistribuent avec profit en Europe. Justement, à Amsterdam, le principal port du pays, un jeune homme du nom de Huygen van Linschotten raconte ses voyages dans les établissements portugais de l'océan Indien.
Cela donne des idées à des marchands qui fondent en 1594 la Compagnie Van Verre ou « Compagnie des pays lointains » en vue d'aller chercher directement en Asie les précieuses épices.
L'année suivante, une première expédition de quatre vaisseaux quitte Amsterdam pour l'Insulinde sous le commandement de Cornélis van Houtman. Elle arrive le 22 juin 1596 à Banten (ou Bantam), à l'ouest de Java, où un traité est conclu avec le prince local pour la fondation d'un comptoir de commerce.
Poursuivant leur voyage, les Hollandais se livrent à des violences contre les populations locales et trouvent seulement à acheter un peu de poivre. La cargaison couvre à peine les frais engagés. Lors d'un nouveau voyage, deux ans plus tard, Cornélis van Houtman est tué par des indigènes à Aceh (Sumatra).
Les Hollandais ne se découragent pas pour si peu. L'amiral Jacob van Neck prend la relève. Plus diplomate que son prédécesseur, il trouve à acheter de grandes quantités d'épices et rentre triomphalement le 19 juillet 1599 à Amsterdam avec 125 tonnes de clous de girofle et 300 tonnes de poivre.
L'union fait la force
Désireux de se lancer à leur tour dans la course, des armateurs français constituent en 1600 la « Compagnie de Saint-Malo » et arment le Corbin, un bateau commandé par le capitaine François Pyrard. Mais sur le retour des Moluques, il fera naufrage avec sa précieuse cargaisons...
Plus chanceux et déterminés, les Hollandais créent de nouvelles compagnies et multiplient les expéditions qui reviennent les cales pleines de clous de girofle, de poivre, de camphre et de noix de muscade. Très vite cependant, ils pâtissent de la concurrence entre les compagnies et les villes ainsi que de leurs expéditions en ordre dispersé. Les cours des épices chutent et provoquent la ruine d'actionnaires imprudents.
Les marchands comprennent la nécessité de regrouper leurs moyens. C'est ainsi que cinq compagnies de commerce se regroupent en une seule, la Verenigde Oost Indische Compagnie. Les marchands d'Amsterdam et des autres villes des Provinces-Unies investissent 6 600 000 florins dans ce projet. C'est treize fois plus que leurs rivaux de Londres qui ont fondé deux ans plus tôt la Société des marchands de Londres, au capital de 80 000 livres.
Conquêtes coloniales
La VOC donne un coup d'accélérateur aux entreprises hollandaises. Elle reçoit du prince d'Orange et des états généraux qui gouvernent le pays le privilège exclusif du commerce aux Indes, ainsi que le droit d'y bâtir des forts et d'y lever des troupes.
Elle est dirigée par un conseil de 17 directeurs, les Heren XVII ou « Messieurs », des hauts fonctionnaires, des banquiers et des négociants. Huit sièges sont réservés à Amsterdam, quatre à la province de Zélande, un à Rotterdam, un à Delft, un à Hoorn, un à Enkhuizen et un dernier attribué à tour de rôle aux villes minoritaires.
Dès 1605, ses hommes prennent possession de l'archipel des Moluques. Ils matent une rébellion indigène et chassent les Portugais de l'archipel. Ils découragent la venue d'autres rivaux européens en arraisonnant leurs navires... et en diffusant de fausses rumeurs et de fausses cartes sur les îles. Ils veillent aussi à prévenir les crises de surproduction en arrachant au besoin des plantations d'arbres à épices.
À Java, où le prince de Banten prélève des taxes excessives sur les exportations, la VOC décide d'établir sur l'île un comptoir bien à elle. L'un de ses agents, Jan Pieterszoon Coen, débarque à Djakarta, un village à l'est de Banten, et, avec une armée privée, il s'empare de la principauté au prix d'extrêmes violences en 1619.
Les Hollandais rebaptisent le village Batavia, d'après le nom latin des Pays-Bas (Djakarta reprendra son nom d'origine lors de l'indépendance de l'Indonésie, en 1948). Lentement et au prix d'immenses difficultés, ils vont ensuite soumettre les princes locaux, pour la plupart musulmans, qui gouvernent l'archipel de l'Insulinde.
Poursuivant leur avance, les Hollandais pénètrent le 3 avril 1638 dans la baie de Trincomale, à Ceylan (aujourd'hui Sri Lanka), et s'emparent de l'île. En 1641, ils s'emparent aussi avec brutalité de Malacca, sur la péninsule de Malaisie. Ils chassent les Portugais de la plupart de leurs établissements de l'océan Indien. Ils occupent en Extrême-Orient l'île de Formose (aujourd'hui Taïwan) et commencent à commercer avec le Japon. Sur la route des Indes, ils fondent la colonie du Cap à la pointe de l'Afrique.
Monopole des épices
La VOC profite de son avance pour s'attribuer le monopole du clou de girofle et de la noix de muscade. Elle en limite la culture à deux îles de l'archipel indonésien des Moluques. Dans ces deux îles, au prix d'une extrême violence, les marchands hollandais contraignent les paysans à s'y consacrer. Ils témoignent de la même férocité à l'égard des rivaux européens qui se mettent sur leur route.
Pour maintenir les cours au plus haut et éviter de saturer les marchés européens, ils n'hésitent pas aussi à détruire des récoltes entières.
Les Hollandais ne se limitent pas au commerce des épices. Ils importent aussi d'Orient de l'indigo, du benjoin, des étoffes, des porcelaines de Chine, des pierres précieuses précieuses et des diamants.
Amsterdam et sa Bourse des valeurs deviennent la plaque tournante de ce fructueux commerce.
La prospérité insolente des bourgeois calvinistes des Provinces-Unies va attirer la convoitise du roi de France Louis XIV, qui n'arrivera pas mieux que ses prédécesseurs à soumettre le plat pays.
L'empire colonial de la VOCcommencera cependant à décliner au XVIIIe siècle, du fait de la concurrence du Brésil dans la canne à sucre. Du fait aussi du commerce clandestin.
Malgré tous leurs efforts, les Hollandais ne peuvent empêcher la dissémination de la culture du poivre et d'autres épices, à Zanzibar ou encore dans les Mascareignes (Maurice et la Réunion) à l'initiative de l'habile négociant français Pierre Poivre.
Les dirigeants de la VOC se laissent aussi gagner par la cupidité. Leur incompétence et leur corruption mène la compagnie à la faillite.
La VOC sera dissoute pendant l'occupation des Provinces-Unies par les troupes françaises, le 1er janvier 1800 et son empire colonial sera récupéré par l'État hollandais, nationalisé en quelque sorte.
Bibliographie
Je recommande la lecture d'un bel album illustré des éditions suisses Silva : La route des épices, par Jean-Christian Spahni et Maximilien Bruggmann (1991). De cet album sont extraites les illustrations de cette page.
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