samedi 15 juillet 2017

HERODOTE Charles Maurras

Charles Maurras (1868 - 1952)
La grande solitude de l'Action française

Version abrégée pour les amis d
Charles Maurras, poète et écrivain originaire de Martigues devenu sourd pendant l'adolescence, fut tout au long de sa vie le maître à penser de L'Action française. Il transforma cette revue née de l'Affaire Dreyfus en un quotidien de grande audience couplé à un mouvement politique de masse.
Nationalistes par-dessus tout, le mouvement Action française et son chef se convertirent au monarchisme et même à un catholicisme sans foi par une argumentation spécieuse qui faisait de la tradition le meilleur rempart de la France contre l'adversité.
Action française annonce les partis totalitaires de l'entre-deux-guerres sur le plan idéologique mais aussi en pratique avec les Camelots du Roi, une force paramilitaire qui défend ses idées à coup de gourdin...
André Larané
Charles Maurras (20 avril 1868, Martigues ; 16 novembre 1952, Saint-Symphorien-lès-Tours)
« Il faut que revienne le roi »
Charles Maurras, poète et écrivain né à Martigues, près de Marseille, connaît dans sa petite enfance « de beaux jours filés d’or ». Mais la mort de son père et les premiers symptômes de la surdité vont assombrir son caractère, l'obliger à renoncer à sa vocation de marin et contribuer à lui faire perdre la foi.
Élève brillant et prometteur, il doit renoncer à des études longues en raison de son handicap et s'engage par défaut dans le journalisme. Il s'impose très vite comme un critique brillant et noue des liens amicaux avec Maurice Barrès et son aîné Anatole France avant de se tourner vers la littérature de langue provençale et le Félibrige, un mouvement régionaliste fondé par Frédéric Mistral en 1854.
Reporter aux premiers Jeux Olympiques, à Athènes en 1896, il croit percevoir l'abaissement de la France et commence à songer à la monarchie comme à une solution pour restaurer la grandeur de la nation : « il nous fallait enfin rétablir ce régime si nous ne voulions être les derniers des Français. Pour que vécût la France, il fallait que revînt le roi. »
L'Affaire Dreyfus le décide à franchir le pas. Il entre résolument en politique dans le camp antidreyfusard, au côté d'Action française. À peine âgé de trente ans, il publie de virulents articles dans lesquels il appelle à la « lutte contre les quatre États confédérés qui menaçaient la France : juif, protestant, métèque et franc-maçon ».
Puis il publie en 1901 L'Enquête sur la monarchie afin de convertir ses amis d'Action française au « nationalisme intégral ». L'ouvrage est un plaidoyer raisonné en faveur de la monarchie, perçue comme le seul régime apte à restaurer la grandeur de la France. Il débute par cette interpellation vigoureuse : « Oui ou non, l’institution d’une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée est-elle de salut public ? »
Charles Maurras en vient aussi à associer le catholicisme à la monarchie et à la tradition. Il se présente lui-même comme un catholique de raison, ce qui lui vaut de nouer des liens avec des écrivains authentiquement catholiques comme Georges Bernanos.
Par son talent de polémiste et d'écrivain, il transforme peu à peu Action française en un mouvement politique de masse et sa revue en un quotidien de grande diffusion. Il est rejoint à la rédaction par un autre journaliste talentueux, Léon Daudet, fils de l'auteur des Lettres de mon moulin, et l'historien Jacques Bainville.
En 1908, il rassemble des étudiants dans une organisation dont la première mission est de vendre à la criée L'Action française.  Ces Camelots du Roi ne vont pas en rester là. Ils vont multiplier les manifestations et les chahuts pour faire entendre leurs idées et en venir à des bagarres avec leurs contradicteurs. Ils s'illustreront en particulier en 1936 lors des funérailles de Jacques Bainville en passant à tabacLéon Blum, malencontreusement égaré dans le cortège.
Quand éclate la Première Guerre mondiale en 1914, Maurras s'engage dans l'Union sacrée, sa haine de l'Allemagne étant plus grande que sa haine de la République. Après la guerre, d'ailleurs, il va dénoncer la mollesse du traité de Versailles et réclamer le démembrement de l'Allemagne, avec la caution de Jacques Bainville, historien visionnaire auteur des Conséquences politiques de la paix (1920).
Toutefois le Saint Siège, qui s'est raccommodé avec la République française, commence à s'inquiéter de l'influence du païen Maurras sur les intellectuels catholiques. Beaucoup de catholiques sont alors confrontés à un cruel dilemme comme le montre ci-après cet article de La Croix (5 octobre 1926) :
Le pape Pie XI clôt le débat par son allocution du 20 décembre 1926 qui met de nombreux ouvrages de Maurras à l'Index et interdit aussi la lecture de L'Action françaiseaux catholiques.
Tandis que Bernanos s'éloigne de lui, Maurras est rejoint par de nouveaux intellectuels antisémites, irréligieux et hostiles à la République : Brasillach, Rebatet... Ils attendent de lui qu'il s'empare du pouvoir comme Mussolini et quelques autres. Mais ses tergiversations  lors des émeutes du 6 février 1934 vont les détourner à leur tour d'Action française.
Malgré son isolement et ses ambiguïtés, Maurras conserve une grande influence intellectuelle qui lui vaut d'être élu en 1938 à l'Académie française. Convaincu de l'impréparation militaire de la France, il approuve les accords de Munich puis, après la débâcle de 1940, salue l'arrivée du maréchal Pétain à la tête de l'État français comme une « divine surprise ». Il est vrai que Pétain va tenter de réformer la France selon les principes maurrassiens, en oubliant la présence de l'occupant allemand.
Charles Maurras lui-même continue de publier son journal à Lyon jusqu'en 1944, sans cesser de hurler sa haine de l'Allemagne ! À la Libération, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. L'Académie française, sommée de l'expulser de ses rangs, s'abstiendra de lui donner un remplaçant jusqu'à sa mort, en 1952, lors d'une libération pour raison de santé.



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