fm La Croix de ce 19/03/2013 ... et quelques réflexions après celles de F. Midal
Entretien avec: Fabrice Midal " L'éthique renvoie à la responsabilité de chacun."
La notion d’« éthique » est omniprésente aujourd’hui .Et pourtant, on ne semble plus guère lui laisser de place. Comment expliquer ce paradoxe ?
Fabrice Midal : En faisant de « l’éthique » un objet spécifique, à part, nous en avons perdu le sens. Il faut revenir à l’étymologie grecque du mot, « ethos », qui signifie « la manière d’être ». Loin d’être accessoire, un élément auquel il faudrait réfléchir de temps en temps, l’éthique est en réalité la dimension même de notre existence. (...)
Ce n’est pas une question abstraite mais le plus profond de son être qui dit « non ».
En confiant la réflexion éthique à un comité, on perd complètement de vue cette exigence (...) puisque des experts s’en chargent !
On le voit bien : en instituant l’éthique, on signe sa faillite. (...)
Que voulez-vous dire ?
F.M : Le monde est si complexe que, là encore, le citoyen est déresponsabilisé. Quand vous achetez
un produit dans un supermarché, quelle est votre part de responsabilité dans le fait que l’usine qui l’a produit a été délocalisée ? Ou que des enfants ont travaillé pour le fabriquer, etc. ?
La dilution est telle que plus personne n’est responsable de rien.
Kafka, auquel je fais beaucoup référence dans mon dernier livre, La Tendresse du monde, en parle très bien. Il montre que le système dans lequel nous vivons est tel que l’on ne sait plus qui fait le mal. (...)
Comment promouvoir une approche éthique sans recourir aux « experts » ?
F.M : Voilà un bon exemple de la complexité de notre monde, fondé sur des logiques de gestion
et des protocoles (...) Les gens revendiquent l’euthanasie, pensant préserver quelque chose de leur humanité, mais ils ne perçoivent pas les dangers sous-jacents. Car cela reviendrait à définir qui a le droit de vivre, (...). On voit bien là que « l’ethos » est décisif : c’est à chacun d’agir pour que la personne âgée ne meure plus abandonnée dans un couloir d’hôpital. L’éthique, c’est très concret. C’est possible, chacun peut s’engager dans cette voie.
Comment faire ?
F.M : J’ai sous-titré mon ouvrage « l’art d’être vulnérable », car agir au plus juste, de manière éthique,
commence par là : accepter notre vulnérabilité, qui est le propre de l’humanité. C’est la condition de
la rencontre avec l’autre. À partir de là, partout où quelqu’un tente de préserver quelque chose d’humain,
la situation évolue : le médecin qui traite le malade comme une personne, avec une véritable éthique du soin, l’enseignant qui considère ses élèves comme des êtres qui demandent à grandir et non comme des jeunes à « évaluer », le directeur des ressources humaines qui, justement, ne traite pas les salariés comme des « ressources humaines » ! Le christianisme le dit bien : l’être humain est une personne, qui dépasse toute détermination, et qui a une responsabilité devant elle-même et devant les autres.
RECUEILLI PAR MARINE LAMOUREUX
(1) La Tendresse du monde, l’art d’être vulnérable, Éditions Flammarion, janvier 2013, 193 p., 17 €
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Eclaircissements et réflexions soumis à votre sagacité (et non pour que vous épousiez mon avis).
1. Fabrice Midal est juif ashkénase, bouddhiste et NON chrétien. Sa formation est vaste, surtout philosophique. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Fabrice_Midal
2. Les experts nous expliquent, via les médias, ce que nous devons faire; d'où mon aversion pour les médias. Nous n'avons vraiment pas gagné au change. A croire que tout ce qu'ils voulaient, c'est occuper la chaire de vérité, que ne fréquentent pourtant plus que les araignées et les pigeons.
3. Les responsabilités sont souvent diluées, surtout lorsqu'il faut débrouiller un problème difficile, faire un choix douloureux, prendre des coups. Pour la gloire, les candidats sont nombreux; d'où le succès des médias.
4. L'expression "Ressources humaines" m'a profondément choqué,dès son apparition. Apparemment j'ai longtemps été le seul. Les hommes ne sont pas du charbon, du pétrole, des liquidités, du matériel. D'ailleurs le sort des administrateurs ne relève pas des HR, que je sache. J'ai faux ?
5. A la question posée à Paul Ricoeur: comment êtes-vous devenu l'homme que vous êtes", sa réponse a été: 'Je ne me suis pas protégé".
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